Alors dis moi c’est quoi un adventiste ? (4) : des légalistes ? Deuxième partie (17.09.2007)

9d33ac28770eb2d309c834742d2219da.jpgJe n’imaginais pas que l’association des termes « adventiste » et « légaliste » rencontrerait un tel succès. Continuons donc sur cette vague qui a elle seule conduit plus de cent personnes par jour ici. Dans la première partie je vous indiquais que l’Eglise Adventiste ne peut être considérée comme une organisation religieuse légaliste. Les précisions historiques des commentaires de Chandler confirment également ce point. Pourtant, dans les enquêtes elle apparaît comme telle. C’est d’ailleurs l’un des principaux mots qu’utilisent directement ou indirectement les individus qui connaissent l’adventisme sans y être membre, pour le qualifier. De nombreux points expliquent la permanence du légalisme sur l’image adventiste. Je traiterai ici uniquement de trois raisons  rapidement. Une historique, la seconde théologique et la troisième sociologique.

Dès son émergence l’adventisme rencontra des succès dans les autres groupes religieux protestant, ce qui lui a attiré les critiques. N’oublions pas que les fondateurs furent souvent des anciens pasteurs ou leaders qui quittèrent des organisations protestantes (baptiste, méthodistes…) pour se convertirent à l’adventisme. L’incompréhension était importante chez les groupes abandonnés qui voyaient dans l’adventisme un groupe d’une rigueur ascétique très forte qualifiée très tôt de légaliste. L’insistance sur le sabbat et l’ensemble des dix commandements, la pratique de la dîme, le rituel complet de la cène, etc. apparaissaient comme des pratiques souvent désuètes que réenchantait l’adventisme naissant. Ainsi stratégiquement il semblait opportun de stigmatiser l’adventisme dans un passé. Alors que l’Eglise Adventiste était nouvelle, la critique allait s’évertuer à la présenter comme rétrograde, ancienne, déjà caduque avant de naître. Pour cela le qualificatif de légaliste était opportun. Dans une Amérique de la deuxième moitié du XIXème qui était tournée vers la quête du progrès économique, le qualificatif aurait pu porter un coup de grâce à la fragile église naissante de l’époque. Pourtant, comme un heureux effet pervers pour les adventistes, la connotation de légaliste allait participer à son succès sans le vouloir. Qualifier l’adventisme de légalisme peut apparaître dans une lecture historique, même basée sur quelques discours adventistes de l’époque comme juste. Cependant il ne faut pas oublier que pour les leaders adventistes, le thème de la grâce était un point largement acquis. Il fallait insister sur les éléments de croyances et donc de pratiques, qu’apportait le groupe (Cf les commentaires de Chandler Jean Luc sur le blog et son ouvrage). Rétrospectivement cela peut apparaître comme du légalisme. Pourtant, les historiens de l’adventisme rappellent l’évidence de la permanence du thème de la grâce dans la SDA. Si vous connaissez le champ religieux américain, vous savez que le terme de légalisme peut renvoyer aussi à une authenticité historique et biblique, au moins hypothétiquement. L’Eglise Adventiste naissante se caractérisait entre autre par le biblicisme ambiant. L’orientation particulière qu’elle en donna à son biblicisme fut une réponse (ou une attaque peu importe) aux groupes protestants institutionnalisés. Ceux-ci étaient vus comme des organisations qui avaient abandonnées l’essentiel du message biblique. L’Eglise Adventiste apparaissait donc comme une institution nouvelle qui allaient réaffirmer des vérités anciennes certes, mais nécessaires. Bref, le légalisme dont était qualifié l’adventisme devenait sa force. Ce qui pouvait apparaître comme légaliste n’était autre que les vérités édulcorées et rejetées par les groupes protestants. Le sabbat par exemple est pour l’adventisme une vérité essentielle abandonnée par les autres groupes protestants. Ainsi on comprend pourquoi E. G. White indique que le nom d’Adventiste du 7ème jour sera un reproche constant au monde protestant.


d30e4ededb71da39e7623cc9345c5d3e.jpgLa deuxième source d’explication fut en partie abordée déjà. Il s’agit de l’incompréhension théologique entre adventisme et une grande partie des autres groupes chrétiens. L’adventisme essaie d’avoir une lecture du texte biblique qui implique l’Ancien et le Nouveau Testament en leur donnant une valeur identique. Jésus n’est pas perçu comme un personnage circonscrit dans le Second Testament. Lire l’un sans l’autre est une hérésie pour l’adventisme. Cela n’empêche pas le groupe d’aboutir à des interprétations du texte biblique en phase avec les autres groupes religieux. Mais celles-ci sont toujours réalisées en référence à l’ensemble de la Bible. Par exemple c’est en se référant à l’ensemble du Corpus biblique que l’adventisme conçoit la grâce, là où elle peut sembler absente pour d’autres groupes protestants. Tel est le cas pour les passages bibliques de l’Ancien Testament qui sont considérés comme sanguinaires. Maints des groupes protestants se content du Second Testament pour parler de ce thème alors que l’adventisme le perçoit de la Genèse à l’Apocalypse. Cette différence théologique alimente l’incompréhension historique. De nombreux groupes pensent que l’adventisme en insistant sur l’Ancien Testament ne se débarrasse pas du légalisme. Ceci dit, les échanges de plus en plus importants entre responsables adventistes et d’autres groupes protestants lèvent les ambiguïtés.
Le troisième élément explicatif retenu concerne la sociologie directement. Voulant se distinguer des autres groupes religieux, les adventistes ont développé une ascèse rigoriste. De fait, pour parler de l’adventisme c’est le NE PAS qui ressort (généralement c'est aussi plus facile pour définir un objet flou). Demandant à des protestants de me donner des expressions pour définir les adventistes il m’indiquèrent : (par ordre d’importance)
-         ils ne mangent pas de porc
-         ils ne travaillent pas le samedi
-         ils ne gardent pas la Bible comme seule base (référence à Ellen G. White)
-         ils ne boivent pas d’alcool
-         ils ne lisent pas que la bible
-         ils ne portent pas de bijoux (dans certains territoires)
-         ils ne vont pas au cinéma
-         ils ne regardent pas la télévision
-         etc.
Plusieurs de ces affirmations ne correspondent pas à la réalité adventiste. Mais ce qui est important de constater, c’est que pour définir synthétiquement l’adventisme les interlocuteurs présentent l’adventisme comme un espace d’interdits. Pour eux il s’agit directement d’un effet du légalisme adventiste. En prolongeant l’échange il apparaît que ces images de l’adventisme sont surtout présentes chez les individus qui ont été en relation plus ou moins lâche, lointaine, avec l’adventisme. Mais surtout, pour l’essentiel, des protestants interrogés (je termine encore le dépouillement) il apparaît que la relation avec un adventiste a contribué à produire l’image légaliste de l’adventisme ! En d’autres termes, l’image de légaliste semble chez les interlocuteurs surtout construite et diffuse à partir de la communication individuelle d’adventistes qui sont vus socialement comme des individus de l’interdit. Des adventistes sont donc, paradoxalement en raison de maladresse de communication, à la base d’une image légaliste. Pas étonnant qu’un pasteur protestant indique concernant les adventistes « ils ne font pas comme tout le monde, mais ils ne disent pas pourquoi. Ils ne rappellent pas par exemple que c’est par grâce qu’ils agissent comme ils font. On a l’impression souvent qu’ils s’attachent plus qu'à ce qu’ils font à ce qu’ils sont. C’est ce qu’ils sont qui est plus fort finalement. Mais faudrait-il encore mieux le présenter ». Notons que la direction adventiste sensibilise les fidèles sur les effets dévastateurs d’une communication maladroite. Il faut dire que pour la grande majorité des adventistes en France il y a le présupposé que les membres d’autres groupes religieux ont une connaissance minimale de ce qu’est l’adventisme. Pourtant tel n’est pas le cas. Partant sur cette erreur, les maladresses communicationnelles sont grandes. Elles sont surtout produites chez par des adventistes qui ont une « culture de la reconnaissance sociale », c’est-à-dire de fidèles qui proviennent de cultures où l’adventisme est connue où même reconnue.


8a690c5507cb2ac90c5166a0dd0d37c8.jpgUne autre piste d’explication de l’image légaliste est l’effet de la modernité religieuse ou plus précisément de l’ultramodernité. L’adventisme se veut être un groupe de virtuoses ascétiques. Entendons par là qu’il est demandé aux individus de fortes implications dans la vie de l’organisation, un militantisme (au sens positif), un niveau de connaissance des textes qui est important, des pratiques qui se distinguent qualitativement des autres individus pour que l’adventisme se démarquent par le haut tout en prenant une part active à la vie en société, etc. Attention il ne s’agit pas de fanatisme, mais d’une implication forte avec une quête de cohérence entre le discours du groupe et la pratique, tout en ayant une ouverture de plus en plus forte vers les autres groupes religieux. On est dans une religion de convertis confessants. C’est-à-dire de personnes qui non seulement adhèrent par choix personnel, mais qui doivent (idéalement) concrétiser cette nouvelle orientation dans un perpétuel engagement. Ceci conduit à une pratique religieuse plus importante que celle mesurée dans maints groupes religieux. Surtout, dans l’adventisme il y a une insistance sur des valeurs qui sont en décalage avec l’ultramodernité. Ceci ne veut pas dire que l’adventisme est épargné par les changements modernes du religieux. Mais on part d’un niveau de pratique très important ce qui fait de l’adventisme une religion à forte pratique religieuse. Il y a donc un effet de contraste donnant l’impression d’un légalisme. Insistons en disant que la forte pratique donne l’impression d’un important ritualise donc d’un légalisme. Pour terminer simplement, notons que le qualificatif de légaliste apparaît comme le prix que semble payer l’adventisme à une recherche de virtuosité pour ses membres et à une permanence des valeurs historiques du groupe. Ainsi l’observation du sabbat, le refus de liens matrimoniaux autre que le mariage, l’importance toujours accordée aux interdits alimentaires, la nécessité d’étudier quotidiennement le texte biblique, etc. participent à donner à l’adventisme une image de légaliste alors qu'il faudrait parler de cohérence historique aux effets communicationnelles (image de légalisme).

05:25 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : historique, légalisme, eglise adventiste, définition | |  Facebook