L'adventisme: comment tout a commencé (selon JL Chandler, théologien adventiste) (13.11.2007)

12d4c05719e4bc4cdb88b02fb4f00fb2.jpgNous avons déjà survolé l'histoire de l'adventimse. JL Chandler va plus loin en donnant des précisions fine comme une véritable saga. Ce regard de l'historien permettra de se plonger dans les complexités et enjeux de l'adventisme. Bonne lecture...

L’adventisme n’est pas le produit du hazard mais d’un mouvement chrétien de réflexion eschatologique. C’est une lecture de l’histoire (du salut), notamment sur l’eschaton – le temps de la fin. Au début du XIXème siècle, c’est l’effervescence prophétique. Les commentateurs bibliques se plongent dans l’étude de deux livres, pour être précis les prophéties apocalyptiques de Daniel et de l’Apocalypse. Cet intérêt est suscité par trois évènements qui ont secoués tous les esprits :

1. Une secousse naturelle : le tremblement de terre de Lisbonne de 1755. Ce violent séïsme est le premier du genre dans l’histoire moderne. Il marque un tournant dans la compréhension prophétique des commentateurs. Ceux-ci le lient aux signes précurseurs du retour du Christ, annoncés par Jésus lui-même (Matthieu 24). Ils y voient le signe d’un bouleversement significatif de la nature, l’évidence du début de la dislocation de l’écosystème. Ils vont noter, comme les scientifiques, une singulière augmentation de l’intensité et de la fréquence des catastrophes naturelles. Les choses ne cesseront pas de se dégrader.

2. Une secousse politique : la révolution française de 1789. Ce soulèvement populaire stupéfie le monde entier. Il produit un fait rarissisme. On coupe la tête du roi. Le peuple prend le pouvoir. Pour les commentateurs bibliques, la révolution est un tournant (prophétique) historique, d’autant plus que la nation française - fait unique dans l’histoire – fonde l’athéisme moderne militant en déclarant officiellement l’inexistence de Dieu (pendant trois ans et demi).

3. Une secousse religieuse : le détrônement du pape en 1798. En février, à la demande du Directoire, l’armée française marche sur Rome. Le général Berthier, sous le commandement de Napoléon Bonaparte, détrône le pape Pie VI. Celui-ci est emprisonné dans la forteresse de Valence. Il y demeurera jusqu’à sa mort. L’exil du pape est ressenti comme un coup de tonnerre. La presse parle de « coup mortel » porté à la papauté. Les commentateurs bibliques associent sa capture à la « blessure mortelle » d’Apocalypse 13.3. Selon leurs calculs, 1798 termine la période des 1260 jours prophétiques – ou symboliques (c’est-à-dire 1260 années) - de Daniel 7.25.

 

Le réveil de l’étude prophétique

Pour les commentateurs bibliques, ces bouleversements sans précédents annoncent une ère nouvelle. Pour eux, 1798 est une date à marquer d’une pierre blanche – c’est comme si le mur de Berlin s’était effondré à l’époque. Un parfum de fin du monde flotte dans l’air. Ils considèrent qu’on est entré dans la dernière période de l’histoire, une époque que la Bible appelle « le temps de la fin » (Daniel 8.17, 11.40). Que va-t-il se passer ensuite ? Les commentateurs cherchent. Ils ne manquent pas de prêter attention à un texte en particulier :

« Et il me dit : Deux mille trois cent soirs et matins ; puis le sanctuaire sera purifié ». (Daniel 8.14)

Ils observent que les 2300 jours prophétiques – l’expression « soir et matin » désigne une journée de 24 heures (Genèse 1.5) – sont la plus longue période prophétique dans la Bible. En bonne logique, ils devraient s’achever après les 1260 jours prophétiques. Ils cherchent la date d’accomplissement de la prophétie. Le théologien LeRoy Froom a comptabilisé qu’à travers le monde entre 1800 et 1840, plus de 65 commentateurs placent la date le plus souvent entre 1843 et 1847. Que va-t-il se passer à cette date ? Tous les commentateurs pensent au retour du Christ. C’est une idée incongrue à l’époque. On expliquera pourquoi dans un moment.

Pour l’instant, je citerai seulement le nom de trois personnes qui contribuent à propager la nouvelle. Vers 1790, le jésuite chilien Manuel de Lacunza écrit un livre intitulé Le retour du Messie en gloire et en majesté qui sera lu en Italie, en Espagne et en Amérique latine. Le théologien protestant réformé Louis Gaussen répand la nouvelle en Suisse et en France. Son ami, le Juif anglican Joseph Wolf, un missionnaire infatiguable qui converse dans 14 langues, parcourt le Moyen-Orient, l’Inde, l’Angleterre et les Etats-Unis pour l’annoncer.

C’est l’époque du grand réveil de l’étude des prophéties bibliques. Pour les commentateurs, ce fait est en lui-même un accomplissement  prophétique. Des prophéties se réalisent et s’ouvrent à leur compréhension. Ils notent que les « paroles [du livre de Daniel] seront tenues secrètes et scellées jusqu'au temps de la fin » (Daniel 12.9). D’ailleurs, Dieu a pris soin d’indiquer au prophète :

« Ce qui t’a été annoncé dans la vision des soirs et des matins est parfaitement vrai, mais tiens-là secrète, car elle concerne une époque très lointaine ». (Daniel 8.26)

Si le livre de l’Apocalypse n’est pas scellé - « Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre » (22.10) car c’est une « révélation de Jésus Christ » (1.1) – les visions de Daniel sont néanmoins une clé pour le comprendre. Pour les commentateurs, il n’y a pas l’ombre d’un doute : le livre de Daniel est déscellé. Le temps de la fin a commencé.

 

Les historicistes pré-millénaristes

La plupart des commentateurs bibliques ne se connaissent pas. Mais ils parviennent aux mêmes conclusions. Pour quatre raisons.

1. Les commentateurs adhèrent à une longue tradition d’interprétation prophétique : l’école historiciste. Selon cette lecture, les évènements prophétiques jalonnent l’histoire humaine. A la fin du XVII ème siècle, afin de réfuter l’interprétation prophétique de Martin Luther, les jésuites Luis de Alcazar et Francisco Ribera ont offert d’autres lectures en fondant respectivement l’école prétériste et l’école futuriste. L’une renvoie au passé l’accomplissement des prophéties, c’est-à-dire au temps de leur écriture et même à une époque antérieure (peut-on encore parler de prédictions ?). L’autre les repousse toutes au plus loin dans l’avenir. Pour les commentateurs, les visions de Daniel et de l’Apocalypse prouvent la rectitude de l’interprétation historiciste. Peut-on placer les 2300 jours prophétiques dans le passé s’ils se rapportent au temps de Daniel à « une époque très lointaine » dans l’avenir ? Prenez la vision de la statue dans Daniel 2. Ses symbôles représentent une succession de royaumes qui s’étalent à travers le temps :

1. La tête d’or – Babylone

2. La poitrine d’argent – La Perse

3. Les hanches de bronze – La Grèce

4. Les jambes de fer – Rome

5. Les pieds de fer et d’argile – L’Europe moderne

6. La pierre qui détruit la statue – Le Royaume de Dieu

2. Les commentateurs croient à l’historicité du texte biblique, à contre courant des attaques des critiques de la Bible. Cela semble incroyable aujourd’hui mais à l’époque, seule l’Ecriture sacrée fournit un flot d’informations sur certains évènements lointains et sur des anciennes civilisations. Elle transmet des milliers de noms – sur des personnages, des lieux et des peuples - que les sceptiques moquent d’être purement mythiques. Sans elle, on ne sait rien à l’époque de Nabuchodonosor, de l’Assyrie, de Ninive, de Sennacherib, des hittites, et j’en passe. Leur connaissance a été perdue, même des Grecs et des Romains.    

A leur grande surprise, les archéologues déterreront les évidences de la véracité du texte biblique. En 1843, l’archéologue français Paul-Emile Botta lancera l’ère des fouilles archéologiques au Moyen-Orient en étant  le premier à faire une découverte. Il trouvera les reliefs du roi assyrien Sargon II qui emmena le royaume nordiste d’Israël en captivité. Selon Donald Wiseman, un ancien directeur du British Museum, 25 000 sites archéologiques furent découverts grâce à la Bible.

3. Les commentateurs étudient l’histoire et calculent les périodes prophétiques avec une précision toute mathématique. Ils adhèrent au principe : un jour prophétique correspond à une année (Ezechiel 4.5, Nombres 14.34). Ils notent que les prophéties bibliques – par exemple sur Jésus ou sur la succession des empires universels - se sont réalisées exactement comme prédit. Puisqu’on est à l’époque des « pieds de la statue », leur conclusion ne fait pas de doute : le retour du Christ est proche et il s’accomplira comme pour les autres prophéties.

4. Les commentateurs sont prémillénaristes. A l’époque, l’espérance  du retour du Christ est tombée dans l’oubli. A travers l’histoire, il y a eu par-ci, par-là des groupes de chrétiens qui préservèrent cette croyance mais au début du XIX ème siècle, le monde chrétien est post-millénariste. On ne parle que du début imminent d’un millénaire de paix universelle. Le retour du Christ est renvoyé très loin dans l’avenir. On le situe après le millénaire d’Apocalypse 20. Mais les commentateurs proclament qu’il se produira avant et non après le millénaire.

 

Le mouvement du retour

Dans l’histoire du christianisme, ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’une date est proposée au retour du Christ. Généralement, l’intérêt pour ce genre de prédiction s’éteint aussi vite qu’un feu de paille. Ce sera pas le cas cette fois. Comme nous le verrons, l’espérance de la parousie fera son grand retour. Notamment grâce à un certain William Miller... 

22:40 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : histoirique, définition | |  Facebook