Ellen White : la mission prophétique (1/2) de JL Chandler (21.02.2008)

 

9c6b3edbf0a81bf0138fe1b3a8ba2c33.jpgAprès sa première vision en décembre 1844, Ellen Harmon lutte avec l’idée de communiquer des messages en public. Elle est jeune, pauvre et sa santé est précaire. La tuberculose ravage ses poumons. Elle a l’air d’une bonne candidate pour la tombe. C’est au-dessus de ses forces ! Jours et nuits, jusqu’à tard dans la soirée, elle supplie Dieu de placer le fardeau sur les épaules de quelqu’un d’autre. Elle redoute aussi de devenir fière comme certains hommes d’église dans le passé. Dans une vision vers la mi-janvier 1845, elle en discute avec un guide céleste : « Si je dois raconter ce que tu m’as montré, préserve-moi d’une exaltation déplacée ». Il lui fait la promesse : « Tes prières ont été entendues. Elles seront exaucées. Si le mal que tu crains te menace, Dieu étendra sa main pour te secourir. Par l’affliction, il t’attirera à lui et il préservera ton humilité. Présente fidèlement le message. Endure jusqu’à la fin et tu mangeras le fruit de l’arbre de la vie, tu boiras l’eau de la vie ».

 

La rébellion d’Hazen Foss

Deux jours après ces palabres, la réticence d’Ellen est totalement vaincue. A Poland dans le Maine, elle converse avec Hazen Foss, un jeune millérite, qu’elle rencontre chez sa soeur Mary, l’épouse de Samuel Foss, qui est nul autre que le frère d’Hazen. La veille dans une  chapelle, celui-ci s’est aperçu qu’elle racontait la même vision (le sentier étroit) qu’il a vu en septembre ou au début d’octobre 1844 mais qu’il avait refusé de relater par peur du ridicule. Après le 22 octobre, dans une autre vision Dieu lui ordonna de la révéler. Mais orgueilleux et humilié par la déception, il refusa tout net d’en parler. Il dit à Dieu qu’il ne le ferait pas et il apprit que sa mission serait confié à quelqu’un d’autre, « au plus faible des faibles ».

Plus tard, d’étranges sensations s’emparèrent de Foss. Une voix lui dit : « Tu as attristé l’Esprit de Dieu ». Effrayé des conséquences de son entêtement, il convoqua des millérites dans le but de dévoiler la vision. Mais quand il ouvrit la bouche aucun son n’en sortit. Il eût beau fouillé sa mémoire, rien ne revint à son esprit. Désespéré, il s’écria : « Elle m’a été enlevée. Je ne peux plus rien dire. L’Esprit de Dieu m’a quitté ».   

Foss avertit Ellen : « Ne refuse pas d’obéir à Dieu car ce sera au péril de ta vie. Je suis un homme perdu. Sois fidèle dans ta tâche et tu recevras la couronne que j’aurais dû obtenir. » Ellen ne l’oubliera jamais ! Quant à Foss, il perdra tout intérêt pour les choses spirituelles.

William Foy, Hazen Foss, Ellen Harmon : aucun n’a de gaieté de coeur souhaité au départ être un porte-parole de Dieu. Cette mission n’est pas populaire ! Elle ne l’a jamais été. Le plus souvent, les messages des prophètes vont à contre-courant des opinions. La pensée unique qui recherche la louange des gens, très peu pour eux ! Ils ont été conspués, exilés, jetés aux fauves, massacrés, enfermés dans des cachots comme des enterrés vivants. Craignant les dérives spirituelles, les albanistes prennent leurs distances avec les spiritualistes, notamment sur la question des charismes (les dons spirituels). A la conférence d’Albany en mai 1845, ils affirment n’avoir « aucune confiance dans les nouveaux messages, les visions, les rêves, les langues, les dons extraordinaires et les révélations ».   

 
Contrefaçons

Comme les albanistes, les sabbatistes dénoncent le fanatisme. Ils sont prudents. Jésus a prédit des contrefaçons aux charismes. Des faux prophètes, des faux Christs et des faux dons spirituels apparaîtront au temps de la fin (Matthieu 24.23-27). Pour autant, ils se gardent de rejeter les dons authentiques du Saint-Esprit. Progressivement, ils comprendront plus clairement que la Bible annonce une seconde Pentecôte à l’époque finale : une manifestation puissante de l’Esprit dans la vie des croyants pour terminer l’évangélisation de la planète (Joël 3.1-5). Comment démêler le vrai du faux ? Comme à leur habitude, les sabbatistes trouvent la réponse dans la Bible. Ils noteront une tendance confirmée plus tard par l’archéologie. Dans les temps bibliques, les contrefaçons contrecarraient l’action du Saint-Esprit. Il y avait beaucoup de faux Messies à l’époque du Christ. Une floraison de faux prophètes entravait souvent le ministère des prophètes. Une plétore de faux enseignants contredisait les instructions des apôtres. Sous le prétexte de confusion religieuse, il était tentant de tout accepter (doctrines et prophéties contradictoires) ou de tout rejeter d’un revers de la main. Dès lors, on comprend mieux les paroles de l’apôtre Paul :

« N’empêchez pas l’Esprit de vous éclairer : ne méprisez pas les prophéties ; au contraire, examinez toutes choses, retenez ce qui est bon, et gardez-vous de ce qui est mauvais, sous quelque forme que ce soit ». (1 Thessalociniens 5.19-22)       
Les spiritualistes et les albanistes vont aux poles opposés. Sans bien examiner, les uns acceptent avec trop d’enthousiasme certaines révélations. Les autres rejettent tout en bloc. Les sabbatistes recherchent la position équilibrée : examiner toutes choses, retenir l’authentique, rejeter la contrefaçon.

Pour exalter la Bible

Certaines « révélations » sont faciles à écarter. Elles sont triviales, inconséquentes doctrinalement et d’une portée aussi éphémère que des étoiles filantes pour vraiment être prises au sérieux. Les sabbatistes le ressentent bien : les visions d’Ellen Harmon sont d’un tout autre calibre. (Nous l’appeleront ici par son nom d’épouse : Ellen White). Ses avertissements sont pertinents et solennels. Sur la base de plusieurs critères bibliques, ils lui reconnaissent le don de prophétie. Mais avant de les énumérer, disons-le tout de suite, certaines choses ne lui seront jamais attribuées.     

Les sabbatistes le croient, les livres de la Bible sont canoniques : ils sont la seule règle de foi du chrétien. Mais tous les écrits des prophètes n’y sont pas consignés. Si certains prophètes n’ont peut-être jamais écrit (Elie, Elisée ou Jean-Baptiste par exemple), on sait que d’autres écrits prophétiques n’ont pas été préservés (1 Chroniques 29.29). Ellen White elle-même l’affirmera : la Bible est la seule règle de foi et le canon (la règle, la norme) se ferme avec l’Apocalypse. Jésus est la plus grande, la plus complète révélation de Dieu à l’humanité. Pour cette raison, le canon se ferme par le témoignage des apôtres.   

De ce fait, les écrits d’Ellen White ne sont pas une nouvelle révélation, des messages totalement nouveaux. La Bible se suffit à elle-même. Les sabbatistes, James White en premier lieu, affirmeront avec force que les écrits d’Ellen White ne sont pas un test de foi et d’orthodoxie. Les doctrines, l’acceptation ou l’exclusion de la communauté des croyants se basent seulement sur la Bible.

Ellen White exaltera la Bible comme la Parole inspirée et infaillible de Dieu. Elle n’attribuera jamais ce dernier qualificatif à ses écrits. Elle ne prétendra jamais être une autorité en histoire, en médecine ou en langue biblique par exemple. La Fondation White le reconnaît : ces écrits contiennent parfois des erreurs historiques d’intérêt secondaire, reproduites en utilisant les informations des meilleurs historiens de son temps. Elle n’acceptera pas davantage qu’on utilise ses écrits comme des « commentaires inspirés » de la Bible ou pour résoudre des controverses théologiques. Utiliser l’argument « Ellen White a dit ceci, ou cela » au lieu d’étudier la Parole sacrée l’agacera au plus haut point.

Ellen White donnera beaucoup de conseils. Mais ils ne seront pas inflexibles. Ils varieront en fonction des situations. Elle n’en fera pas des lois absolues – seuls les dix commandements le sont. Par exemple, quand Arthur Daniells lui expliquera qu’il est difficile dans certains pays d’appliquer tout ce qu’elle écrit sur le végétarisme, elle répliquera (comme elle le dit souvent sur d’autres sujets) : « Pourquoi les gens n’utilisent pas leur bon sens ? »              

 
Une Jean-Baptiste moderne

Comme pour les autres sabbatistes, sa compréhension des Ecritures sera progressive. Comme dans les temps bibliques, certaines vérités sont révélées petit à petit. Dieu n’essaie pas de corriger toutes les erreurs d’un seul coup. A une époque où la Bible, le plus grand best-seller du monde, est le livre moins lu, encore moins étudié, Ellen affirme avec force que ses écrits ont un but pédagogique : ils sont « la petite lumière » qui conduit à « la grande lumière ». Ils incitent à étudier la Bible. Si le Livre était étudié, son ministère n’aurait pas été nécessaire. C’est au fond un ministère à la Jean-Baptiste. Le prophète juif prépara les gens à la première venue du Christ, et s’effaça devant lui : « Il faut qu’il croisse et que je diminue ». Ainsi pour Ellen White, ses écrits exaltent la Bible et préparent les gens à la seconde venue du Christ. Nous verrons dans la deuxième partie de cet article, que les sabbatistes la désigneront comme une « messagère du Seigneur » après une étude minutieuse des critères bibliques du don de prophétie.

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