L'histoire en marche s'écrit et s'écrira encore avec les mots d'Aimé Césaire. (19.04.2008)
Aimé Césaire est mort. Il a donné au Nègre sa majuscule alors que les représentations collectives s’ingéniaient à déshumaniser le nègre systématiquement.
Indéniablement Césaire est le plus grand intellectuel noir de tous les temps. Cette affirmation peut rencontrer une controverse en raison de l’apport incommensurable d’autres leaders noirs comme Martin Luther King ou encore Cheikh Anta Diop. Mais si l’on considère la densité de l’écriture Césairienne, le rapport à l’histoire, la dimension humaniste et surtout la création de concept, indiscutablement c’est le plus grand intellectuel Nègre. Mais loin de son comparatif qui enfermerait dans une sorte de trombinoscope d’intellectuels noirs, Césaire a surtout contribué à enrichir l’humanisme. Son engagement sans faille pour l’Humain, et pas seulement le Nègre a entraîné son succès planétaire. Il me semble, l’information doit être vérifiée, que c’est l’individu qui a eu le plus de congrès et colloques à son nom de son vivant. Il faut être aux Antilles pour comprendre comment cet homme a porté l’identité d’opprimés. Sa plus grande réussite demeure dans le désenclavement de l’identité Nègre pour qu’elle prenne une place dans l’humanité.
Aujourd’hui les hommages pleuvent. En place et lieu d’un nouveau discours de félicités, je vous porte un texte que j’ai écrit à Césaire lors de son 90ème anniversaire. L’ambition était de souligner le croisement entre l’anniversaire de Césaire et celui de Toussaint Louverture. D’autre part, je soulignais l’entrée de Césaire dans l’immortalité au travers de son œuvre. Je pense que certaines lignes prennent plus d’ampleur aujourd’hui il, surtout que Césaire avait affectueusement reçu ces lignes. Le texte original est disponible sur Potomitan.
L'histoire en marche s'écrit et s'écrira encore avec les mots d'Aimé Césaire.
Césaire fait déjà partie de ces hommes sur lesquels on a beaucoup écrit, pas assez écrit, mal écrit, et sur qui on écrira. Celui que l'on appelle le chantre de la négritude vient de souffler en Martinique, en présence d'anonymes, d'hommes de lettres, de politiciens de tous bords ses 90 ans.
Il est prétentieux de pouvoir à l'occasion de cet anniversaire, sous quelque format que ce soit, aborder de manière complète ne serait-ce qu'un pan de l'œuvre Césairienne dont les ramifications sont encore à venir. De plus, le meilleur cadeau que souhaiterait certainement Césaire est à ce jour inaccessible, à savoir la joie de voir gommer les différences entre les êtres, différences toutes sociales, présentées de plus en plus comme ontologique, enrichies par les stratégies socio-politiques, hormis évidemment les dissemblances anthropologiques, qui sont d'ailleurs d'une nécessité salvatrice.
Mais il y a un cadeau que le calendrier de l'histoire en marche a donné à cet homme dont la grandeur n'a d'égale que l'impossible de notre imaginaire ; il s'agit de la correspondance fortuite entre son 90ème anniversaire et le 200ème anniversaire de la mort de Toussaint Louverture. Peut-on dire que l'hommage désormais rendu à ce dernier peut être considéré comme le cadeau suprême pour Aimé Césaire. Certainement non; mais sur place aux Antilles, on ne peut être que surpris du traitement des deux évènements. L'un semble être la résonance de l'autre, l'un la cause de l'autre. Aimé Césaire n'aimerait pas nous lire et percevoir ici la liaison que nous sous-entendons entre les deux évènements. Sans nous attarder sur les causes d'un tel phénomène, qui à lui seul mériterait une étude approfondie, il reste vrai que le chantre de la négritude est de loin l'Homme qui proclamant haut et fort le premier endroit où la négritude se mis debout, Haïti. Césaire a durant toute une vie, réhabilité dans le cœur de tous, le rôle historique de Toussaint Louverture. De toutes les facettes que nous a présenté Césaire, notons que la grandeur historique de Toussaint vient de l'interprétation courageuse, lumineuse, logique et héroïque de la révolution française. C'est ainsi que ce dernier considérant l'aspect universel des Droits de l'Homme, va prêter main forte à l'Amérique naissante. Ce simple fait parmi d'autres, édulcoré, voire nier par certains, trace et retrace toute la cohérence de Toussaint Louverture.
Aujourd'hui la correspondance entre l'anniversaire de celui qui a contribué à ce que les nègres se regardent en face, ou soient en quête positive d'eux même, est de loin le meilleur cadeau que les contingences de l'histoire, souvent lunatiques, ont pu offrir à Césaire. Vu ainsi, au-delà du rassemblement autour d'Aimé Césaire, la correspondance entre les deux anniversaires, les festivités constructives avec leur versant identitaire, dont nous avons pu être l'indirect témoin sur le terrain même des Antilles, est l'acte de libéralité le plus grand que l'Histoire aurait pu lui offrir, non en raison de la simple anecdote, mais pour l'effervescence identitaire que cela entraîne aujourd'hui du Bénin à Fort-de-France et Pointe-à-Pitre, en passant par New York, Tokyo, Paris et autres villes des plus anonymes aux plus connues.
Un point positif marque les festivités antillaises autour de ces deux anniversaires: le renouveau d'une conscience identitaire positive. Voilà qui permet au "Roi Christophe" de n'avoir pas la tragédie normalement prévue par l'histoire !
Sur ce, que dire et souhaiter à Césaire. Ce que l'on souhaite à tous les grands-pères. Qu'il profite de sa vieillesse et que Dieu le garde le plus longtemps possible parmi nous. Loin d'être une banalité, il serait dommage de se rendre compte de l'importance de l'Homme qu'une fois que la mort l'ai radié des vivants.
Mais outre cela, souhaitons que le noble "humanisme" (le terme est maladroit) dont il est l'apôtre pousse toutes les consciences à souhaiter et réaliser ce qui a de mieux pour les peuples, malgré les nécessaires contradictions qui traversent les êtres et nous déchirent entre intérêts individuels et survie collective.
Papa Césaire, Joyeux anniversaire, et que votre langue et votre plume nous accompagnent jusqu'à notre trépas, vous que l'immortalité a déjà accueilli de part votre verve.
Fabrice Desplan
06:07 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aimé césaire | | Facebook