Définition raciste de "Evolué" dans le Larousse (02.03.2009)
Long silence, car je suis de plus en plus surchargé et sollicité. Mais cela n'excuse en rien mon absence. Mes excuses donc à tous. En cette heure de mise à jour du blog j'aimerai simplement vous sensibiliser à une information que je viens de vérifier et qui m'est arrivé par mail ce matin, via une proche (merci Gégé). Il y a ces choses qui sont constamment sous le nez et auxquelles nous ne portons pas attention. Ou pire que nous lisons, ou plutôt que nous croyons lire. Et là, il faut, un accident pour vous réveiller. Je vais être précis.
Ce matin, je reçois un de ces mails qui a circulé sur le net. Il relate un échange entre un utilisateur du Larousse et la Rédaction du dictionnaire. Je ne vais pas m'attarder sur le contenu ne connaissant pas les sources premières (il suffit que le mail soit lancé par un manipulateur...). Mais allons à l'essentiel. Le mail reproche au Larousse une des définitions du mot évolué.
Il note que le Larousse définirait, évolué, entre autre, ainsi : En Afrique, personne ayant reçu une éducation de type Européen. Je n'y ai évidemment pas cru. J'ai eu l'impression de lire une blague d'activiste voulant attiser les tensions précoloniales. Mais quand même. Dans le monde où nous vivons toutes les surprises sont possibles ! Surtout concernant les minorités. Alors pourquoi ne pas vérifier. C'est ce que j'ai fait. Et là... je suis tombé. Oui, il y a bien écrit sur Larousse.fr "En Afrique, personne ayant reçu une éducation de type Européen".
Comme avec Internet il faut s'attendre à tout, puisqu'en un clic une information peut apparaître, mais surtout disparaitre. Voilà la photo d'écran de la définition. CLIQUEZ SUR L'IMAGE. Si Larousse assume cette définition raciste d'un autre âge elle est toujours en ligne. Et que Larousse ne déclare pas s'appuyer sur des usages locaux de la langue française pour justifier cette définition.
10:10 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : larousse, racisme, dictionnaire | | Facebook
Commentaires
Mais cependant, s'il s'agissait d'un usage local, le rôle du dictionnaire ne serait-il pas d'en rendre compte ?
Il y a quelques années, le Robert avait été attaqué parce qu'il donnait la définition d'"avare" pour "juif" dans la langue classique.
Écrit par : Nathalie | 04.03.2009
En effet c'est semble t-il l'argument de Larousse pour s'en sortir. Cependant s'il s'agissait d'une simple évocation d'un usage Larousse aurait indiqué: "Ce dit de..." ou toute autre formulation voisine. D'autre part des éléments complémentaires autorisent à penser qu'il s'agit là d'un surgeon d'une connotation raciste:
1. En quel lieu Larousse s'est-il plongé pour relever une telle définition
2. En quoi ce relevé est représentatif d'une utilisation répandue et non enfermée dans un groupe social (Larousse ne dit pas que le terme est utilisé dans un lieu ou de manière spécifique. De fait il y a une extension à toute l'Afrique).
3. Dans les ex colonies africaines l'influence de l'ancienne métropole, y compris dans les représentations sont grandes. Qu'en fait Larousse ?
4. Larousse ne laisse pas de place dans sa définition aux nombreuses élites africaines formées sous d'autres influences (Russes et Chinoises aujourd'hui).
5. Pour finir que fait Larousse des études anthropologiques non colonialistes, post décolonisation, ou encore de la place des cultures locales...) ?
Tout cela pour dire que la définition de Larousse n'est rien d'autre qu'une reformulation (consciente ou inconsciente) des bienfaits de la colonisation. Mais bien plus que le simple aspect du développement social et économique Larousse dans sa définition l'étend à une domination des consciences.
Écrit par : Fabrice Desplan | 05.03.2009
et bien moi je suisfan de tes articles quoi qu'on puisde en dire ! lol
Écrit par : Wiki | 10.03.2009
Au risque de déclencher des réactions virulentes...: en quoi cette définition est-elle raciste? Je suis justement en plein séminaire sur le Congo belge, et même si c'est triste à entendre pour certains, le terme "évolué" était bel et bien utilisé - à l'époque - pour désigner tout Congolais qui aurait atteint un "certain degré de civilisation", qui pouvait être détenteur de la fameuse carte de mérite civique, voire même être "immatriculé", ce qui lui permettait, entre autre, d'être soumis au même code civil que les Européens, sans discrimination raciale, d'accéder à certains lieux qui étaient interdits aux "indigènes", etc. Les évolués étaient, d'un point de vue juridique, quelque part entre le Congolais de milieu coutumier et l'Européen, et jusqu'aux années 1955, ces évolués souhaitaient la même considération que l'on accordait aux Belges de la colonie, et rejetaient parfois violemment leur milieu d'origine. Ce n'est qu'après 1955, et les débuts des nationalismes au Congo, que ces mêmes évolués ont revendiqué leur originalité, refusant cette fois catégoriquement d'être "des européens à peau noire", comme ils disaient, mais sans rejeter pour autant les apports de la civilisation occidentale. D'autant plus que le décret sur l'immatriculation s'était avéré être un échec.
Tout ça pour dire, que même si le mot "évolué" peut paraitre choquant, ce que je conçois aisément, c'est bel et bien une réalité historique, que l'on ne pourrait utiliser aujourd'hui, certes, mais qu'il faut tout de même replacer dans son contexte. Je rappelle tout de même que Patrice Emery Lumumba était un évolué, je rappele que Tshombé, Kasa-Vubu, Mobutu... étaient des évolués. Au bout d'un moment, cette expression ne voulait bien sur plus rien dire, vu que ces "évolués" avait le même niveau intellectuel que les Belges, voire plus. Mais l'administration coloniale ne s'adaptait que très, très lentement...
Salutations!
Écrit par : Zey | 21.04.2009
Deux choses. Le Larousse ne fait pas une rétrospective historique du terme. Ce que vous faite très bien. Il parle d'un usage actuel. Remarquez que vous parlez au passé et le Larousse développe une conception à usage actuel. Le terme comme tout autre mot a un usage historique, mais a surtout un encrage et un usage du présent. Il est dommage que le dictionnaire ne prenne pas en considération ce dernier.
D'autre part, le cas belge et l'ensemble de la colonisation française ne peut être prise, comme vous le faite, pour unique support permettant de parler de l'Afrique. Cette vision globalisante est choquante, ethnocentrique et nie l'histoire de la diversité coloniale.
Non enfermé dans une approche historique, mais intégrant les évolutions des mots, on peut vous suivre dans la mise au point historique, mais pas dans la légitimation de la présentation du Larousse puisqu'un regard actuel impose les guillemets comme vous le faite. Ainsi ce manque de précaution du Larousse est bien une fausse évidente et une utilisation raciste du terme, qui de plus, ou plus grave peut apparaître comme naturelle, ou historiquement justifiable. C'est d'ailleurs la nouvelle robe du racisme aujourd'hui. Un relativisme qui enferme et veut toujours justifier l'injustifiable dans une lecture et une approche partielle, ici uniquement historique et globalisante.
Écrit par : fabrice desplan | 21.04.2009
Evidemment qu'elle est raciste cette définition. Et même si cette défintion reprend quelque chose qui ce dit, cela reste raciste. Elle doit indiquer qu'elle se démarque. Elle ne le fait pas. Elle le reprend et l'aime bien. C'est raciste.
Écrit par : René | 07.05.2009
Le terme d'"évolué" peut déplaire mais il s'agit bien d'un terme qui existe, un.e "évolué.e" est celui ou celle qui cherche à s'assimiler au modèle européen (blanc) en contexte colonial. Je comprends néanmoins que cela ai pu choquer ; quand j'ai présenté le sujet à ma directrice de mémoire elle était choquée mais curieuse d'en connaître davantage. Sinon le sujet est passionnant, les africanistes ont produits ces dernières années des travaux intéressants à ce sujet !
Écrit par : lili | 09.02.2012