Grèves aux Antilles et contexte années 80 (23.09.2009)
Le tournant des années 80
En Guadeloupe les "années 80" sont celles d'un tournant identitaire. Cette île connue des attentats perpétrés par les leaders indépendantistes, Luc Reinette, Henri Amédien et Henri Bernard. Ils constituèrent le « Conseil national de la résistance guadeloupéenne ». Après un long périple juridique, en 1989 Reinette fut condamné à 33 ans de prison et fut amnistié. Bien que l'indépendantisme ne bénéficiait pas d'une légitimité populaire, Reinette, Amédien et Bernard rencontraient une sympathie relative au sein de l'ensemble de la population guadeloupéenne. Des congénères comprenaient que les frustrations issues du réductionnisme dont est victime la société antillaise aboutissent à des poussées de violence contre la France, perçue comme épicentre du réductionnisme.
L'épopée Reinette - Amédien - Bernard doit être recontextualisée pour comprendre la sympathie qu'elle pouvait susciter d'une part, et d'autre part le niveau de frustration accumulée. C'est ce dernier qui engendra chez la triade de révolutionnaire le choix d'une lutte armée contre la France. Mieux que des longues pérégrinations historiques rebondissons sur un fait divers très révélateur. Il s'agit de l'affaire Faisans qui s'est déroulée en 1985. Notons qu'elle a amplifiée un sentiment de profonde injustice envers la France au sein de l'ensemble de la société guadeloupéenne. Elle attisa également le nationalisme.
Faisans fut condamné à 4 ans de prison ferme, puis à 3 ans en appel pour avoir frappé un enseignant à l'aide du plat de son sabre. La condamnation de Faisans inaugura une vague de violence qui allait secoua l'île entre du 22 au 29 juillet 1985, pour aboutir à sa libération. Sans le vouloir, Faisans s'est trouvé au centre d'un fait-divers qui mobilisait toute la symbolique d'une lutte contre le colonialisme. Lui, pauvre agriculteur noire, avec un coutelas utilisé surtout pour cultiver la canne à sucre, introduit aux Antilles par les colons, face à un instituteur blanc, qui frappe du pied un élève chahuteur, qui vraisemblablement ne maitrisait pas tous les éléments chargés négativement de sens dans la société antillaise.
Kassav', Malavoi, Akiyo
A l'époque de l'affaire Faisans, les Antilles partent à la conquête du Monde sur le plan artistique. Cette conquête qui va se faciliter avec la fin de l'ORTF va permettre la montée de groupes musicaux qui réinterroge l'identité antillaise. Les groupes Kassav et Malavoi seront certainement ceux qui forceront le plus les Antilles, dans des registres différents, à se considérer comme une terre de la pluralité culturelle.
Par la suite, le Gwo Ka, musique traditionnelle sera revisité par Akiyo sous l'impulsion du regretté Maitre Vélo. Akiyo s'appuiera sur des rythmiques et des paroles pour forcer les antillais à avoir un regard positif sur les Antilles, l'héritage de l'esclavage et les apports caribéens, tout en s'opposant frontalement à la France. Ce n'est pas un hasard qu'Akiyo est membre du LKP.
Les années 80 seront aussi les années de la montée de nouveaux mouvements religieux protestants américains (Adventiste du 7e Jour, Baptiste, mouvements évangéliques et pentecôtistes, Le monde à venir...). Millénaristes, ils développeront des discours qui s'adapteront progressivement au contexte local. Avec la grève de 2009, certains vont même prendre partie, au travers de leur responsable, en faveur de grève. Remarquons donc, que les années 80 seront marquées par l'établissement d'organisations, de questionnements, qui alimenteront les réflexions sur l'identité antillaise et surtout la concrétisation politique et sociale des questions soulevées. La grève de 2009 sera sur ce point une des formes de concrétisations des questions sociales et identitaires qui traversent la société antillaise.
Comment défendre une telle idée ? Là je vous invite à suivre mon actualité avec la sortie prochaine de mon livre L'espérance à l'antillaise.
10:10 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : grève en guadeloupe, lkp, guadeloupe, grève aux antilles, eli domota, histoire sociale de la guadeloupe, historique des grèves en guadeloupe | | Facebook
Commentaires
Bonjour,
Il est question dans cette article de M. Henry Bernard. J'ai eu la chance de l'avoir comme professeur de philosophie au lycée de Fort de France en 1978/79. J'en garde le souvenir d'un enseignant remarquable et charismatique. Je suis un peu effaré d'apprendre les faits dans lesquels il a été impliqué. Quelqu'un peut-il me dire ce qu'il est devenu ?
Merci.
Écrit par : NOBLET Jean-Pierre | 01.03.2010