La pratique du sabbat chez les adventistes (1) (11.07.2006)

medium_court.jpgLe 30 juin dernier une cour fédérale américaine statua en faveur d’un employé adventiste observateur du sabbat. Pour la première fois, la cour imposa le paiement de dommages au demandeur. Les faits sont rapportés par l’Adventist News Network qui ajoute que la cour a pris en compte la perte de niveau de vie. La cour stipule également vouloir dissuader l’accusé, UPS (United Parcel Service), qui ne respecta pas la liberté de culte de Todd Sturgill. Ce dernier était employé depuis 19 ans chez UPS quand il a rejoint l'église adventiste en mai 2004. Cette situation où un adventiste s’oppose à son employeur en raison de la pratique sabbatique n’est pas isolée. Elle permet de revenir sur l’importance de cette pratique chez les adventistes.

Dans une lecture littérale de la Bible, les adventistes conçoivent le samedi comme le septième jour de la semaine. Il est un jour « consacré », « mis à part » par Dieu, dès la création du monde, pour que l’individu optimise sa relation avec la divinité. Avec de nombreuses similitudes (et pas mal de différences tout de même) avec les juifs orthodoxes, les adventistes considèrent le sabbat comme un espace temporel en rupture avec les activités menées les autres jours de la semaine. C’est cette rupture qui permet une consécration maximale à la relation avec Dieu. Ainsi le sabbat, l’adventiste ne travaille pas, n’écoute pas et ne conduit pas les mêmes conversations qu’en semaine, est principalement à l’église (appelé temple parfois), ne regarde pas la télévision, etc.

 Le sabbat revêt une place centrale dans l’offre doctrinale du groupe. Il est considéré comme un des « signes distinctifs » qui permettrait de différencier « les adorateurs de la bête », en d’autres termes ceux qui n’appliquent pas les exigences bibliques, des « vrais adorateurs ».

L’Eglise Adventiste n’est pas la seule organisation qui considère le samedi comme le jour du sabbat et non le dimanche comme la majorité des groupes chrétiens. On en dénombrerait près de 300 selon Dirk Anderson, un ancien adventiste. Cependant, sauf erreur de ma part (il faudrait étudier les 300 !) l’Eglise Adventiste est la seule à mettre au centre de son discours, messianique, millénariste, eschatologique, sa vision des origines, son rapport au corps, etc., le sabbat. D’ailleurs le nom même de « Adventiste du 7ème Jour » ne fait que rappeler l’un des éléments centraux de l’identité du groupe qu’est le sabbat.

Devenir adventiste c’est accepter, après contrôle du groupe, d’organiser sa vie en fonction du sabbat. L’obligation d’observer le sabbat est stipulée dans la Profession_de_foi adventiste. L’individu qui devient un membre d’une communauté locale adventiste, se doit entre autre, d’harmoniser ses activités avec l’exigence sabbatique. De fait, des conflits apparaissent chez des convertis adventistes. Certains s’opposent, comme Todd à leur employeur pour obtenir le droit d’observer le sabbat, c’est-à-dire de ne pas travailler le samedi. Dans l’étude que j’ai mené sur les adventistes, j’ai rencontré des individus qui acceptaient des pertes de salaire, refusaient de passer des examens, ne fréquentaient pas d'établissement scolaires, acceptaient d'être licenciés lorsque le dialogue n’aboutissait pas avec l’employeur, etc., pour pouvoir observer le sabbat.

medium_Carlos_Roa.jpgRappelez-vous que le prometteur footballeur argentin, le gardien Carlos Roa, qui évoluait en Espagne au sein du club de Majorque avait arrêté sa carrière en pleine ascension après sa conversion à l’Eglise Adventiste. La pratique d’un sport de haut niveau et l’observation du sabbat étaient incompatibles (aujourd’hui Roa a rechaussé les crampons !). Comme l’exprimait Roa lorsqu’il observait le sabbat, les adventistes en lutte pour l’observation du sabbat indiquent que « Dieu vaut plus que tout l'or du monde ». Ils n’hésitent pas, dans la perspective d’obtenir le salut d’observer ce qui pour eux est « la loi de Dieu » plutôt que « la loi des hommes ».

Mais ce qui est important de noter c’est, qu’en écoutant les individus relater leur conversion à l’adventisme, la certitude de devenir « des adorateurs du sabbat », ne survient pas de manière aléatoire. Elle apparaît toujours après avoir adhéré à des croyances adventistes et après avoir développé un sentiment positif sur le groupe. L’opposition frontale avec l’employeur ou l’environnement social en raison du sabbat intervient toujours en fin de processus de conversion. Il semble être, non un élément en amont de la conversion, mais en aval, quand l’individu a déjà acquis la certitude que l’Eglise Adventiste constitue « le peuple de Dieu ». Cela explique que ce soit essentiellement des nouveaux convertis à l’adventisme qui rencontrent des problèmes de compatibilité entre foi et activité professionnelle, car ils se convertissent alors qu’ils occupent déjà une activité professionnelle le samedi. Les cas de Carlos Roa, de Todd s’explicitent. Ceux qui sont adventistes de longue date, contournent la difficulté qu’est l’incompatibilité entre pratique sabbatique et vie professionnelle en optant pour des situations professionnelles où ils ne travaillent pas le samedi ou des métiers qui sont considérés comme pouvant être pratiqués le samedi (c’est le cas de la médecine par exemple).
De fait, pensant avoir plus à gagner à obéir aux lois divines, dont le sabbat, le converti n’hésite plus à entrer dans une opposition frontale avec son environnement, encouragé par des adventistes qui pour certains ne connurent pas les difficultés professionnelles liées au sabbat.

Le jugement de la cour en faveur de Todd résulte de cette opposition frontale. Il n’est d’ailleurs pas isolé, puisqu’en des termes différents, en référence à l’human rights act, la cour suprême du Canada en 1992 reconnaissait implicitement le droit à un employé de cesser son activité le samedi, contre l’avis de son employeur (le résumé des faits est ici extrêmement maladroit voyez plutôt le jugement de la cour).

Celui qui rentre en opposition avec son employeur vient d’un environnement relationnel non adventiste le plus souvent. Celui-ci l’influence beaucoup pour qu’il « garde la raison » et reprenne le travail le samedi. Le choix d’observer le sabbat est plus fort. Il peut de mon avis être décrit rationnellement. C’est loin d’être un acte irréfléchi. Mais là sera l’objet d’une autre note.

 

A lire :

  1. BECERRA Sergio, Racines puritaines de la doctrine du sabbat adventiste du septième jour : étude historique et théologique, Université de Strasbourg II, 2001
  2. Arret_de_la_cour_supreme1992rcs2-970.pdf
  3. http://news.adventist.org/data/2006/05/1151705755/index.h...

 

22:20 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Définition, Sabbat, Eglise Adventiste, Droit et religions, Groupes religieux minoritaires | |  Facebook