Suite... Le défi de la réorganisation des cultes (II): Impacts sur les rituels (25.06.2020)
Les américains considèrent la France comme une société des bisous, pour montrer l’importance des embrassades. Ce constant est encore plus flagrant dans les communautés spirituelles et/ou religieuses. Embrassades fraternelles, gestes affectifs, manifestations d’un soutien… montrent que l’interaction corporelle est un prolongement, une concrétisation de l’intensité des échanges interindividuels. D’ailleurs son évitement, souvent appelé « relation froide » attise le soupçon et/ou est l’expression d’une tension, d’une mise à distance. Il faut donc repenser les gestes du quotidien dans les communautés pour qu’ils gardent une intensité avec une moins grande expressivité tactile, corporelle. Concrètement dans les communautés c’est le mode d’expression des rituels qui se pose derrière les gestes barrières. C’est l’axe de cette deuxième note sur la réorganisation des cultes avec la Covid-19. Certains rituels devront certainement garder la même forme tout en diminuant leur expressivité. D’autres doivent être repensés, voire suspendus. Prenons quelques exemples dans un vaste ensemble afin de montrer les difficultés que les groupes religieux et spirituels surmontent actuellement. Je prends arbitrairement trois cas; (1) le chant, (2) la Sainte-Cène ou la Communion et (3) les relations interpersonnelles.
- Le chant.
Il a une place centrale dans l’activité liturgique. La maxime, « chanter c’est prier deux fois », répandue dans le protestantisme illustre l’importance des cantiques. Le chant augmente mécaniquement les probabilités de transmission des infections. Cependant il faut distinguer les prestations individuelles et collectives. Dans le premier cas le risque est moindre voire nul si l’interprète exécute son art à bonne distance de l’auditoire. A défaut, il est plus important pour les prestations en groupe, à l’instar d’une chorale. La communauté doit s’assurer que chaque choriste soit à une distance plus grande que le mètre linéaire en raison des projections. Les études parlent de 4m ! Si des musiciens sont mobilisés l’écart est moindre entre eux à diférence des choeurs. Mais l’installation d’un matériel désinfecté complique considérablement la logistique. La multiplication de groupes, utilisant le même matériel lors d’un service, devient un casse-tête mais pas une impossibilité. La communauté doit pour cela disposer de ressources humaines importantes pour la désinfection, sans perturber l’office. Surtout, accepter la prestation d’un groupe, ou d’une chorale réduit la capacité d’accueil du public car il faut intégrer les choristes dans les jauges. Dans les communautés où il faut réaliser plusieurs services, les choristes devraient être présents à chaque séance, réduisant donc la jauge et augmentant les contraintes. Face à cela certaines églises catholiques ont suspendu les activités des choristes. Reste le chant réalisé par l’assemblé. Il est possible que si la communauté impose le masque à tous les participants avec une grande rigueur. Mais là, il y a un effet baillonage! C'est donc un véritable. Par contre dans les communauté encore une fois qui ont de l'espace, tout ses problèmes n'existent pas. Nous revenons à une observation triviale: L'espace, c'est le luxe. - La Sainte Cène ou la Communion. Ce rituel est un marqueur de l'identité chrétienne. Il symbolise la christodépendance d’une communauté qui fait lien par le Christ. A la notion de christodépendance s’ajoute donc le classique christocentrisme. Le partage collectif du vin et du pain entre croyants est un symbole fondateur. S’ajoute plus rarement dans certaines traditions comme l’Eglise adventiste du septième jour un lavement réciproque des pieds, en répétition de l’acte du Christ, montrant ainsi Sa totale disposition pour l’humanité et l'Eglise. Il symbolise également l'humilité réciproque à développer.
Les communautés évangéliques et catholiques ont recours à une coupe dont l’usage est collectif. Il est évident que cela est à proscrire. Les églises adventistes utilisent massivement les verres individuels, ce modèle est voué à être dupliqué. Il circonscrit en effet le risque de contamination. Quant à la transmission du pain, il devra être réalisé par l’usage d’un outil désinfecté, une simple pince de service. Dans les communautés, comme l’Eglise adventiste où le lavement des pieds est réalisé lors de la cène, les églises locales devront désormais privilégier un lavement entre personnes de la même famille. Les échanges entre les autres membres devront sans doute s’accompagner d’une rigoureuse et extrême désinfection. L’expérience Allemande dans les abattoirs a montré l’impacts des projections (sang, salive, eaux…) dans les contaminations. De fait, la mise en place d’un lavement des pieds reste un défi car il était utilisé comme une occasion d’échanges entre tous les individus des communautés locales. Cette permissivité ne sera certainement plus aussi ouverte. Surtout, les projections suscitées imposent un aménagement très complexe des lieux. Là encore un étalement des séances de Sainte Cène sera impératif mais dépendra des points d’accès et d’évacuation des eaux. La logistique de désinfection est particulièrement contraignante au point de dissuader. Serviettes, récipients, sens de circulations, le tout dans une désinfection, avec les masques… Tout cela ne sera pas possible en l’état dans toutes les communautés adventistes. Le fait que la Cène ne soit pas pratiquée dans l’adventisme à toutes les rencontres (souvent trimestriellement) permet d’optimiser le temps pour penser à cette réorganisation.
- La durée des rencontres
Tous les retours confirment l’aspect chronophage des nouvelles mesures barrières. Il est donc nécessaire de repenser l’architecture des programmes pour qu’ils restent dans une temporalité acceptable. Dans l’adventisme, je l’ai déjà dit, il y a un glissement vers une forme d’expressivité à dominante pentecôtiste qui se matérialise par une amplification du temps consacré aux chants spontanés, aux partages d’expériences, aux prières d’invocations, à l’argumentaire émotionnel… tout cela au détriment de l’apport ajouté historique et théologique de l’adventisme qui était un discours religieux à base rationnel permettant un cadrage de l’expression émotionnel. De fait avec la réduction de l’espace-temps condamne les communautés religieuses à hiérarchiser les formes d’expressions et de revenir à l’essentiel de leur identité. Plusieurs communautés qui fonctionnent avec une préinscription obligatoire pour connaître les flux et une programmation où toutes les activités sont réduites dont le chant principalement.
- Clin d’œil aux relations interpersonnelles.
Les deux exemples sont des rituels institutionnalisés, c’est-à-dire pensés, codifiés par l'organisation. Je rajoute le cas d'un rituel informel, de la vie quotidienne, qu’est l’acte de se saluer. Tout le monde a constaté que la société des bisous est désormais ancienne. Les salutations dans les communautés religieuses sont aussi impactées. Dans les groupes religieux la fraternité s’exprime par le contact corporel. Il est même codifié dans des cercles spiritualistes comme la Franc Maçonnerie. Mais tel n’est pas le cas généralement dans le protestantisme où sa spontanéité est préservée. Les individus doivent désormais repenser la manière de se saluer en se protégeant. Mais cela n’est pas sans conséquences sur les moments dits de fraternités tel les Agapes, les invitations, les sorties… Ils sont donc peu encouragés. Dans les communications, les groupes religieux dissuadent souvent ces derniers temporairement en indiquant la nécessité de garder une distance sanitaire (je préfère ce terme à celui de distance physique ou sociale).
Ce survole des impacts sur les rituels (c’est bien un survole !) illustre la complexité de la réorganisation des activités dans les lieux de cultes. D’une communauté à l’autre les réponses varient en fonction des attentes individuelles, de la géographie des lieux, des ressources disponibles… ou encore de l’impact sur la perception qu’a le groupe des impératifs théologiques. Ce sera notre dernier point sur le sujet dans une prochaine note.
14:46 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : covid-19, culte, eglise adventiste | | Facebook
Commentaires
Je suis ancien dans une église évangélique. Vos deux commentaires aident à prendre compte des détails. Merci de cette aide précieuse
Écrit par : Jean Etienne | 26.06.2020
N'est-il pas trop tôt pour que les églises reprennent. Peu de places, beaucoup de personnes. Tout marche très bien si on utilise les réseaux sociaux
Écrit par : CCharles | 26.06.2020