En 1833, l’Eglise des Pèlerins, communauté Presbytérienne du Massachusetts perd son statut de dernière Eglise établie par la loi aux Etats-Unis. Jusqu’à cette date, elle jouissait encore de quelques privilèges légaux, hérités des temps où l’idéal théocratique – lui même vestige de l’inquisition venue d’Europe – était partagé par nombre d’Américains. Au-delà de l’anecdote, ce désétablissement marque la fin du puritanisme politique. Ce puritanisme politique s’éloigne de la conception européenne du terme qui renvoie, au mieux, à cette « ascèse intramondaine » sur laquelle Max Weber assoit le développement du capitalisme. (Cf Encyclopédie du protestantisme)
Rappelons que le puritanisme se veut être une morale qui érige en évidence naturelle que les hommes sont créés dans une égalité. Ils sont dotés par le Créateur de droits inaliénables comme le droit à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. Le puritanisme chrétien duquel est issu l’adventisme prend sa source dans la société américaine. Le biblicisme, le littéralisme et plus généralement le parcours politico-historique des Etats-Unis, contribuèrent à une forte diffusion des idéaux puritains.
Les puritains sont pour beaucoup dans l’affirmation du droit à la recherche du bonheur, du bien être individuel. Le bonheur est vu comme la résultante d’une relation avec Dieu. Ce sont ceux qui répondent à l’appel divin, le calling qui peuvent y jouir pleinement. Cette forte dépendance qu’exige le puritanisme, dans une relation au divin et qui devrait déboucher sur le bonheur, ne doit pourtant pas faire ignorer son caractère pragmatique. Le puritanisme se veut en consonance avec d’autres exigences existentielles de l’homme, considéré comme acteur d’une société. La vie sociale est pour le puritanisme un espace qui résulte des interactions individuelles, ce qui fait de chaque individu, un acteur rationnel, responsable. C’est la qualité de la participation de chacun qui influera plus ou moins directement le social. Il y a la nécessité de participer à la vie sociale – d’avoir une « ascèse intramondaine » pour reprendre l’expression wébérienne – pour que celle-ci soit un lieu de plaisir, de bonheur commun. Mais cette participation positive n’est possible que pour ceux qui ont répondu positivement au calling. Les institutions essentielles à la vie sociale comme la famille, l’entreprise, l’Eglise, et même l’Etat doivent être des lieux où l’idéal puritain s’exprime. Toute vocation personnelle, familiale, économique, civique, spirituelle, est définie comme pouvant être bénie par Dieu, à condition de s’y consacrer pleinement, dans le respect des préceptes divins. Cette conception exige de l’individu de laborieux, mais justifiés efforts. Cette notion d’effort, d’abnégation dans le service, que sous-entend indiscutablement le puritanisme, et qui trouve son écho dans la notion de « labour », est vue comme une vertu qui harmonise : le corps et l’esprit, l’homme et la femme, le citoyen et l’Etat, le vendeur et l’acheteur, etc. A partir d’une relation entre les individus et le divin perçue comme centrale pour le social, le puritanisme propose une vision très idyllique de la société, par le biais des rapports interindividuels, tous dirigés dans la perspective du bonheur partagé.
Mais il serait maladroit d’enfermer le puritanisme dans sa vision idéaliste. Il n’est pas fondamental de démontrer, en raison de son évidence, qu’entre l’intention noble d’une vision du social, et sa mise en œuvre, il y a un écart qui, ici, peut être rapidement illustré. En effet, ce discours idéaliste qui prend ses racines dans un droit inaliénable, reconnu à tout être humain, de rechercher le bonheur, et inscrit dans la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis, évolua et se développa de diverses manières. Jusqu’à la guerre civile, il resta honni chez les gens du Sud. Chez les Yankees, il fut célébré aussi bien par les évangéliques que par les libéraux. Les premiers mirent l’accent sur le calling et les seconds sur l’esprit d’entreprise. Comme on peut l’entrevoir dans cette brève présentation, le puritanisme allie dans sa conception idéaltypique tout au moins, calling et participation positive à la vie sociale – le social étant perçu comme lieu possible du bonheur partagé.
Dans la société américaine au début du XIXème une tendance à insister sur le calling, sans connexion directe avec la réussite sociale va se développer au sein de quelques mouvements religieux. D’autres vont insister sur la réussite individuelle comme apport nécessaire à la vie sociale.
Historiquement, l’adventisme peut être perçu, comme un mouvement ayant mis, dès ses origines, l’accent sur le calling. Cette accentuation sur le calling conduira l’adventisme à porter une attention particulière au recrutement de nouveaux membres. L’organisation du groupement aura, dans la même lignée, pour but d’optimiser la capacité de recrutement de l’adventisme. Cependant il serait inexact de sous-entendre que l’adventisme minimise l’esprit d’entreprise par exemple, mais s’éloignant du calvinisme, l’adventisme ne voit pas dans la réussite individuelle « terrestre », un indice de bonne moralité, tel que le définit le groupement au travers de son offre religieuse. Il n’y a pas l’idée d’un encouragement à la réussite entrepreneuriale comme preuve pouvant indiquer un quelconque accès au salut, perçu comme bonheur ultime. Par contre, dans l’adventisme, la réussite entrepreneuriale est un moyen pouvant permettre à d’autres individus d’accéder à l’offre religieuse adventiste. C’est également un moyen de développer des aptitudes personnelles, dont l’origine est ici ramenée à la divinité. La tâche du croyant adventiste est donc de « faire fructifier » les dons de Dieu. Dans ce cadre, la réussite individuelle devient un outil majeur de prosélytisme, un moyen de permettre à d’autres individus de répondre au calling. Cette prépondérance du calling, qui domine même les initiatives et réussites individuelles et collectives perçues comme un moyen, une ressource prosélyte, fait que l’on peut considérer l’adventisme comme une offre religieuse portée par une organisation, et dont l’expression passe par un fort prosélytisme, au moins dans son énoncé. Le contenu de l'offre adventiste tel qu'il se donne à observer dans ses règlements, normes et échanges relationnels en son sein, est fortement marqué par le puritanisme. Weber en fait d'ailleurs allusion, de manière furtive dans Les sectes protestantes et l'esprit du capitalisme. D'ailleurs, en généralisant la pensée de ce dernier ont peut affirmer sans le développer, que l'adventisme est une organisation protestante puritaine de part la sélection éthique qu'elle opère pour accepter les individus en son sein (237). Un regard sur la profession de foi adventiste ne fait que confirmer les anciennes observations wéberienne.
Toujours à partir de Weber, nous pouvons noter que l’héritage puritain se voit dans l’exigence adventiste de voir les membres avoir des « activités quotidiennes qui revêtent une signification religieuse ». D’où, selon Weber, l’insistance sur un autre aspect du calling, à savoir la vocation chez les adventistes. Les individus sont non seulement appelés à répondre moralement à l’appel, mais cela implique une participation positive à la vie sociale, et à une responsabilisation individuelle et collective. Ici les exemples ne manquent pour illustrer ce point. Le plus important demeure les discours des convertis qui relatent dans leur grande majorité, répondre à l’appel de Dieu.
Rajoutons pour conclure sur ce point historique que l’adventisme en insistant sur :
- le développement d’une moralité biblique chez ses membres
- une implication dans le social à partir de motivations religieuses dans la perspective d’améliorer le social et de sensibiliser les individus sur la nécessité de répondre à l’appel divin
- la permanence de l’idée "qu’une qualité morale dépend d’une certaine qualité spirituelle",
est une organisation religieuse protestante ayant de nombreux traits puritains