Le Bulletin d’Information Adventiste de Juin 2006 [BIA_2006_06_.pdf], nous apprend que l’Eglise Adventiste du 7ème Jour se mobilise pour désenchanter le Da Vinci Code. Jean Paul Barquon, le rédacteur du BIA indique que dans les cartons adventistes en Australie, un livre The Da Vinci Code Decode et une série de programmes télévisés. Cette stratégie adventiste est une réponse à ce qui est perçu comme un risque de brouillage.
La sociologie nous apprend que le Da Vinci Code fait parti de ces ouvrages qui alimentent un mouvement ésotérique. Concluant une journée d'étude sur l'ésotérisme organisée par R. Dericquebourg et JP Laurent, Emile Poulat nous relatait dans une pédagogie dont il est seul capable, que l’ésotérisme est un lieu qui déconstruit les représentations religieuses, pour en retenir des éléments variés et reconstruire une ascèse empreinte de mystères et d’une cohérence qui n’est qu’apparence [les mots sont de moi]. Poulat insiste sur le fait qu’après avoir été contenu à différents moments de l’histoire, aujourd’hui l’ésotérisme profite du relativisme ambiant. Si autrefois il était pris dans une tenaille entre religion et sciences, désormais il s’alimente du relativisme qui touche ces deux blocs. Ce relativisme critique permet au sociologue aujourd’hui de parler d’ultramodernité.Le Da Vinci Code est pour le sociologue certes un prodigieux génie littéraire, qui trouve sa source dans le délitement ultramoderne des frontières idéologiques et des valeurs. La réaction adventiste face à la montée du Da Vinci Code doit être avant tout perçue comme une réponse au décloisonnement ultramoderne qui s’illustre par un bricolage religieux. Les individus construisent leur vision du monde à partir de différentes religions et mouvements philosophique, politique, philanthropique, etc. Le hic c’est que l’adventisme semble réagir dans la logique de la rumeur. En effet, la série de programme TV et l’ouvrage semblent, selon le BIA, conçus comme un démenti. On sait depuis longtemps et surtout avec Morin dans son ouvrage La rumeur d’Orléan qu’une telle réaction est bénéfique pour la rumeur, surtout quand celle-ci se fonde sur des amalgames de faits et des constructions imaginaires. De plus l’effet de cette démarche se déculpe souvent quand le démenti se veut scientifique, comme c’est le cas du The Da Vinci Code Decode.
A décharge, l’Eglise Adventiste du 7ème Jour et l’ensemble des groupes religieux qui veulent éclairer les lecteurs du Da Vinci Code, à commencer par leurs membres, sont pris au piège. Elles sont contraintes de montrer qu’elles ne sont pas dupes et font la différence entre construction romanesque et la "réalité théologique". Si elles donnent une place prépondérante comme le fait l’adventisme au messianisme et à la parousie, elles sont dans l’obligation de devoir informer sur ce qui leur semble être "la véritable information" pour que les individus se préparent au salut. Le choix de séries télévisées et surtout le nom du livre The Da Vinci Code Decode, semble être, pour moi qui est fait mes recherches dans une Unité de Formation consacrée à la Communication, une stratégie forte intéressante, puisqu’elle tente de renverser la logique de confusion du Da Vinci Code sur ce dernier. A voir si la tentative est une réussite en lisant l’ouvrage et en visionnant les programmes.
Commentaires
Je parcours très souvent votre blog. Je suis membre de l'Eglise Adventiste et je n'ai jamais eu l'occasion d'ête en contact avec un regard comme le votre. J'ai besoin de précision sur les liens que vous faites. Par exemple sur les origines. DAns l'Eglise on ne parle jamais de puritanisme ou de religion de la santé. DAns les livres d'histoire sur l'adventisme que j'ai non plus. Pouviez-vous êtes plus précis sur ces liens ?
J'ai vu aussi que vous n'abordez pas la question des sectes ? Votre position : l'adventisme secte ou pas secte ? Surtout qu'elle est membre de la Fédération Protestante de France.
Merci
Henri,
Déjà merci de te compter parmi les commentateurs du blog. Vos questions sont l’occasion pour moi de préciser la lecture qui est mienne.
J’abonde dans votre sens et je crois que dans l’Eglise Adventiste le discours historique, mais surtout sociologique reste à compléter. Cela montre la complexité de l’histoire adventiste et du fait religieux en général. La difficulté dans l’Eglise Adventiste, et cela vaut pour toutes les groupes religieux, est d’aborder son histoire de manière dépassionnée. Cela demande un exercice intellectuel difficile, à savoir parler de soi, en se débarrassant de l’idée que l’adventisme est une organisation religieuse optimale, par rapport aux autres organisations. C’est un exercice nécessaire permettant de prendre une bonne distance. Je dis cela alors que je défends l’idée qu’il faille des chercheurs, issus des groupes religieux pour compléter l’approche des analystes qui sont hors des groupes. Voila qui me permet aussi de noter que mon discours sur l’adventisme se veut à cheval sur le discours adventiste lui-même, mais également enrichi des apports de chercheurs d’autres influences religieuses et scientifiques.
De fait, ce que je dis est souvent, une version différente de ce que l’on entend dans les communautés adventistes. Par exemple, il reste difficile de rattacher l’adventisme de manière quasi généalogique au puritanisme (bien que...). Mais le sociologue que je suis n’a pas une approche uniquement historique. L’histoire est un judicieux outil de réflexion que je me dois d’intégrer dans mon travail sans m’y cantonner. Pour continuer dans l’exemple du puritanisme, le sociologue se demandera ; en quoi l’adventisme mobilise des manières d’agir et de penser qui font référence au puritanisme ? Le lien historique peut ne pas être avéré, mais dépassant ce dernier, le sociologue observera des familiarités, des ressemblances, qui ne sont pas éloignées d’ailleurs de l’histoire générale du religieux. Finalement, pour moi sociologue, ce qui importe ce sont les idées, actions, inactions, rationalités, etc. des adventistes. Et si des concepts historiques permettent de mieux les comprendre c’est l’idéal.
Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, à savoir si l’Eglise Adventiste est une secte, je te réponds sans détour non. Surtout que je me permets de penser que vous mettez derrière le mot secte, le sens médiatique avec Gourou, manipulations, victimes etc. Mais je dirai aussi qu’en sociologie de la religion la secte n’a pas le même sens que l’on donne couramment à ce terme. Le sociologue dispose de plusieurs termes pour qualifier un groupe. Permettez-moi simplement dans une prochaine note de présenter ces notions avant de répondre plus concrètement à cette question. Déjà je peux noter sans détour, qu'en sociologie de la religion, considérer l’adventiste comme une église en France est aussi une faute, même si aujourd’hui on entend le contraire. J’expliciterai cela par la suite.