Récemment je partageais avec vous, dans la foulée de la coupe du monde de football, mon indignation. La société française rend plus difficile de part le jeu des discriminations la reconnaissance des minorités (Cf. l’exemple des groupes religieux). Mais pour ce qui est des individus qui composent, ou ont composé, l’empire colonial français, et en particulier les noirs, la possibilité de réussite sociale qui est proposé n’est qu’un leurre. Le nègre est acculé bien souvent à devenir un gladiateur des temps modernes. Oui, je sais il y a des cas différents et une montée de ces derniers. Mais pour combien de rêves, d’espoirs, de possibilités coupées, (sans trouver dans la discrimination une excuse à des échecs purement individuels). Dans les exceptions, il faut cependant noter l’ingéniosité de ceux qui arrivent à retourner en leur faveur et surtout aux bénéfices de discriminés, la « réussite » qu’ils ont acquis. Parmi ces derniers Lilian Thuram doit être cité.
Thuram est originaire comme moi de la Guadeloupe. Il connaît ce qu’est la privation, l’humiliation, le fouet, dans une colonie française. Fort de cela il s’exprime comme sportif, nègre, membre du haut comité pour l’intégration, face à la politique actuelle menée par Nicolas Sarkozy. Dans une interview datée du 18 juillet donné aux Inrocks et repris par le Nouvel Observateur, Thuram dénonce la Sarkoïsation des esprits. On devine malgré le manque de définition claire ce qu’il en ait. (Je trouve suspicieux la forme sous laquelle l’interview est restituée, mais je ne m’étends pas, sauf question de votre part). La Sarkoïsation est un amalgame savamment orchestré autour des minorités. Il s’agit d’une vision pathologique de l’étranger comme un danger, un coût supplémentaire, un vecteur de troubles, une source de déstabilisation. Cette vision ignore volontairement les apports de l’étranger. D’ailleurs le seul regard positif que la Sarkoïsation porte sur ce dernier, demeure l’apport, l’intérêt qu’il peut donner à la France. Tel est l’esprit de la loi sur l’immigration. (C’est le même regard que porte la France sur ses minoirités religieuses, mais là n’est pas un défaut de Nicolas Sarkosy qui marque plus d’ouverture sur ce point a priori).Je suis surpris de constater, certainement avec Thuram, qu’une loi en France, qu’une circulaire, bref, qu’une politique de l’immigration, ait pour critère, le fait qu’un individu ne parle pas sa langue maternelle ? Dans un pays où le multilinguisme est adulé voilà qui étonne ! Si vous venez d’un univers colonisé comme, ce critère vous glace le sang. Combien de ceux-là, il y a encore 10, 20 ans, n’osaient même pas parler leur langue en raison du traumatisme de la domination coloniale française ? Remarquez, ce n’est qu’en se réappropriant la langue, que les colonisés antillais que je connais, pour en être un, ont fait émerger des problématiques identitaires, impliquant la redécouverte de soi. Et cela, la Sarkoïsation, prenant le manteau de la justice, non taillé pour lui, fait croire à la nécessité de ce critère déshumanisant. Il y aurait tellement à redire.
Mais à lire Thuram et à réentendre les déclarations du Nicolas Sarkosy, la sarkoïsation est bien plus insidieuse. Derrière un discours d’apparence rationnel et juste, se cache une machine qui congratule un sentiment de supériorité, qui n’a en faite aucune réalité. Les chiffres, les objectifs, écrasent tout. Rappelez-vous de ces policiers qui récompensaient un radar automatique pour être le meilleur flic de France ! Oui, lui atteignait facilement les objectifs de la Place Beauvau, puisque faisant fi de l’humain.
Un cran de plus a été franchi par la sarkoïsataion : le pillage de la dernière image républicaine (largement mise à mal avant) qu’est l’école en expulsant des enfants (enfin des ados) sans papier, dont seul un document administratif ne reconnaît pas leur francité. Comment Nicolas Sarkosy peut-il nous expliquer, que soudainement, des individus qui sont en France depuis des décennies deviennent, en fin de scolarité des parasites sociaux ? Où était-il quand ces derniers se démerdaient, dans les plus grandes difficultés, fomentées par les réglementations dont il est en partie, ou solidairement, l’auteur.
Si la sarkoïsation provoque le rebus, sa réussite demeure la déstabilisation. Oui, il faut aussi le dire, il y a des points, des remarques sur lesquelles ont ne peut être en total désaccord avec Sarko. Exemple : il a raison de dire qu’il ne faut pas créer une nouvelle filière autour des enfants scolarisés. Mais ce que Sarko sait et qu’il ne dit pas, c’est que cette filière existe déjà. Deuxièmement, ce n’est pas en s’attaquant à ceux qui ont malgré l’inégalité réussit ou sont sur la bonne voie que l’on va changer les choses. Et puis, encore plus grave, la sarkoïsation des esprits, encourage une nouvelle colonisation des pays officiellement décolonisés en mettant en place des règles pour les migrants étrangers, favorisant fortement ceux qui forment les élites des pays émergeants. Voilà après avoir été repoussé, charmé, la sarkoïsation reprend son vrai visage et repousse.
A quand un pouvoir politique qui prendrait le problème de l’immigration dans sa totalité ? J’entends par là, une compréhension du phénomène qui va des responsabilités historiques françaises, de la géopolitique, et le déplaisir, le déchirement de trajectoires individuelles des immigrés.
Attention, le problème avec la sarkoïsation c’est que l’on pourrait penser qu’il existe, du côté de la gauche une offre plus intéressante, plus humaine. Mais non, il n’en est rien. Au contraire, je crois que la gauche est peut-être, aujourd’hui, aussi dangereuse dans l’hexagone, pour le migrant. J’y reviendrai dans une prochaine note, en espérant ne pas vous encourager à vous sarkoïser.
Commentaires
pas mal!
continue !
antoine