Oui, les vacances sont terminées pour moi. Je laisse la place aux aoutiens qui j’espère ne bronzeront pas du visage, puisqu’ils auront toujours un ouvrage sous les yeux. Dans la prochaine note je vous parlerez de mon coup de foudre pour le livre de Dick Anthony et Massimo INTROVIGNE, Le lavage de cerveau : mythe ou réalité. Pour l’instant je réponds en vrac à quelques questions postées en commentaires.
1. La place des antillais dans l’adventisme.
Je suis ravi de constater que la question préoccupe fortement des responsables adventistes. Premièrement il est juste de noter que ces derniers s’interrogent depuis plusieurs années, bien avant moi, sur la forte représentation d’individus provenant de la Guadeloupe et de la Martinique dans les communautés adventistes.
Comme je l’ai déjà présenté dans des articles et lors de différentes interventions (CNRS, Conseil Généraux, Association Française de Sociologie, etc.), la composante antillaise s’explique par :
-la forte présence d’adventistes aux Antilles et la place du religieux dans la culture antillaise
-le jeu migratoire d’adventistes antillais vers l’hexagone,
-la faible croissance adventiste chez les autochtones français,
-la place du religieux en France
-le contexte social sur le religieux minoritaire
Je ne développerai pas ces différents points pour insister sur les enjeux relationnels au sein de l’adventisme.
La forte présence d’antillais français dans l’adventisme hexagonal entraîne le développement de ce que j’appelle, fort de mes enquêtes, un adventisme de type communautaire. Celui-ci se spécifie en premier par un besoin de se réapproprier des éléments de la culture antillaise. Cela se comprend en saisissant la relation paradoxale qu’entretient souvent aux Antilles, adventisme et identité créole. L’Eglise Adventiste devient en France un espace religieux qui permet également à l’antillais adventiste de redécouvrir positivement sa culture. Un des effets de cela est l’engouement des adventistes antillais pour des manifestations qui renforcent la cohésion du groupe, au travers des schèmes culturels antillais, et cela de façon certainement inconsciente pour certains. Ainsi la manière de prier, de chanter, d’exprimer des expériences, sont des moments où les adventistes antillais amplifient des éléments culturels antillais.
Je ne m’étends pas sur ce point qui demande un développement complexe plus facile à faire dans une conférence, qu’ici.
Les autochtones, ont une vision de l’adventisme marquée par deux points d’apparence paradoxaux : le besoin de développer l’adventisme vers d’autres autochtones et le "réflex" du respect de la différence, dans le contexte de la laïcité française. Quoi qu’il en soit, les représentations autochtones sont plus marquées par un souci " d’ouverture" comparativement aux antillais.
Ceci s’explique par deux formes de socialisations différentes à l’adventisme. Les antillais n’ont pas la culture de la minorité religieuse (au sens visible, mathématique et de la reconnaissance sociale). Ils viennent ou sont en contact avec les Antilles ou le culte adventiste est bien établi. A la différence, les autochtones développent une ascèse typique aux minorités religieuses.
Un autre point : les adventistes antillais (c’est également le cas des antillais évangéliques et catholiques) ont une ascèse qui renferme des éléments du croire antillais hérité des contingences historiques (traite négrière, sources africaines, influence hindouiste, etc.) qui le différencie du croire autochtone, qui lui, n’hésite pas à connoter (souvent en off) le croire antillais de superstitieux.
On le comprend donc au niveau des croyances et de la représentation du rôle de l’Eglise Adventiste des différences entre les autochtones et le fort contingent antillais que l’on estime entre 50 et 70% de l’adventisme (le pourcentage varie en fonction du degré de filiation retenu pour définir le statut d’antillais).
Une différence forte, certainement plus complexe à gérer pour les cadres adventistes est la relation à l’organisation. Les antillais ont une vision de l’autorité adventiste qui me semble aujourd’hui plus problématique. Si autrefois le pasteur était pour l’antillais surtout un "un berger", il apparaît désormais comme un "fonctionnaire du culte", devant satisfaire au besoin communautaire présenté plus haut ou encore comme le note Max Weber à entretenir une « communauté émotionnelle ». Il est désormais conçu sous l’angle du résultat. Ainsi, oubliant que la réussite du pasteur passe par une forte collaboration avec l’ensemble des fidèles, nombres d’antillais évaluent la réussite de ce dernier au nombre de baptême, à l’organisation de manifestations communautaires, etc. Par contre il est indiscutable de noter que chez les autochtones, la relation à l’autorité est moins conflictuelle. Ils évaluent leurs dirigeants par leur capacité à répondre à des problèmes précis (théologie, questions sociales, etc.)
Quoi qu’il en soit, à la lecture de mails de pasteurs, du commentaire de l’un d’entre eux ici, et d’échanges téléphoniques avec quelques-uns, il ne faut certainement pas parler d’incompatibilité entre adventistes antillais et adventistes autochtones (notons qu’il y a aussi des adventistes en France qui viennent d’autres aires culturelles). Indiscutablement, il existe des ponts entre les deux représentations de l’adventisme de ces communautés que le religieux permet de transcender, seulement, cela demande de mieux connaître la culture antillaise surtout de la part des dirigeants adventistes, qui ainsi pourront faire preuve d’une innovation pédagogique pour ce qui n’est finalement, qu’une classique question de la gestion de la différence, qui peut avoir cependant en cas de mauvaises réponses des conséquences désastreuses pour les équilibres des églises locales.
Ce qu’il est important de noter c’est qu’au-delà de l’adventisme, de nombreux groupes protestants s’interrogent sur la relation entre identité créole (antillaise surtout) et protestantisme en France. Mon ami Jean-Claude Girondin, a réalisé ce qui est pour moi la meilleure mise en point sur la question au travers d’une thèse de doctorat intitulée Ethnicité et religion parmi les protestants antillais de la région parisienne. Il faudra faire l’effort de regarder l’état de cette question dans les autres communautés religieuses.
2. Mes recherches et l’Eglise Adventiste
Je remercie "pasteur" pour cette question et j’en profiterai pour donner des indications sur ma relation avec l’adventisme (c’est une autre question de "pasteur")
Mes travaux ne sont qu’une lecture sociologique et ne prétendent pas être LE discours sur l’adventisme. Je défends simplement une vision construite à partir des concepts sociologique. C’est pour cela que je conçois mes travaux comme premièrement soumis aux évaluations des pairs de ma discipline. Cependant, comme le témoigne l’existence de ce blog, il est important de diffuser la recherche vers le maximum d’individus. Pour ce qui est de moi, je le fais avec l’ambition de démontrer que les groupes religieux minoritaires (ici l’adventisme) ne sont pas des lieux dépourvus de raison, où les individus seraient uniformes dans leurs agissements. L’enjeu est de sensibiliser sur les complexités des groupes religieux en leur rendant un aspect dynamique qui disparaît aujourd’hui sous les coups des préjugés tout en considérant les acteurs (les adventistes) comme rationnels. Mais comme sociologue cela passe par déconstruire les évidences, y compris celle du groupe sur lui-même. Ce qui entraine un risque de mise à la marge par le groupe étudié et les détracteurs du regard sociologique.
Je conçois mes travaux donc, dans le respect du groupe étudié. Il ne s’agit pas de tomber dans la critique de valeur. Il n’est pas de mon ressort de dire si les adventistes ont raison, sont une bonne religion ou pas. Le sociologue n’est pas un justicier de la morale.
Je crois simplement que l’Eglise Adventiste, contrairement aux apparences est sous étudiée en France et est un terrain prolifique pour comprendre les relations sociales et la construction de représentations, dans le cadre d’une organisation religieuses (et plus) ayant une importante organisation.
Pour ce qui est de la mise à disposition de mes travaux ou de réflexion avec l’Eglise Adventiste, c’est quelque chose que je trouve normal. Il me semble que les études sociologiques ne doivent pas se détacher de la réalité qu’elles analysent. De fait, s’il y a des gens qui ont le droit de s’en saisir c’est bien ceux dont elles font allusion. Si cela passe par une contribution directe, une collaboration avec les adventistes, dans cette même logique, c’est normal. De plus, les études peuvent déboucher sur la mise en place de réflexions pratiques et concrètes dont ils seraient dommage de s’en passer.
Comme vous le comprenez cela peut prendre une connotation particulière pour les antireligieux qui parleraient de compromission du sociologue. De mon avis les individus ont le droit de s’approprier la sociologie et il vaut mieux le faire avec les sociologues pour éviter les malentendus. Notons que dans d’autres domaines cela ne pose pas problème. Pourquoi ce serait différent des groupes religieux ?
3. Ma relation personnelle avec l’Eglise Adventiste.
Elle est sous entendue dans la précédente réponse. J’ai plaisir à collaborer avec les responsables adventistes, car pour moi sociologue c’est une source de données incontournable. C’est en ce sens que j’ai remercié dans mes recherches des pasteurs (Lhomme et Stévény – question de "Etudiant") pour leur aide. Un moment ou l’autre on a besoin du concours de responsables locaux (sauf à faire de l’espionnage). Mais ceci est le propre de toute enquête sociologique. Alors évidemment les critiques vont redoubler. Bon mais là est le prix de recherches. Pour répondre directement à la question, j'ai été un membre très actif de l'Eglise Adventiste. A ce titre je partage l'espérance adventiste. Désormais je profite de mes excellents liens avec les adventistes pour proposer un autre regard, non inquisiteur, sur ce groupe religieux. Comme sociologue, l'Eglise Adventiste est pour moi un espace permettant la compréhension des interactions humaines. Je rigole d’ailleurs quand je regarde des critiques supposant que j’analyse l’adventiste sans l’avoir vécu ! Transition faites pour parler de ma présence dans Wikipedia
4. Ma présence dans Wikipedia (Réponse à l’info de Luc)
Je dois dire que je l’ai découverte récemment grâce à la traçabilité des visites qui viennent sur le blog. Non ce n’est pas un honneur, car loin de mon but. De plus elle a entraîné des commentaires ignorants le contenu de mes travaux, et surtout ma relation personnelle avec l’Eglise Adventiste au sein de laquelle je fais des observations en permanence.
Ceci dit, pour moi la réussite est surtout d’échanger directement avec les individus sur leurs croyances en leur montrant les apports de la sociologie. Cependant l’une des conséquences de la présence dans Wikipedia est l’explosion des visites sur le blog. Espérons que les gens s’y attardent sans présupposé. (Je peux rêver.) D’autant plus que je ne conçois pas le blog comme un « Regard critique », mais comme une simple "version de l’adventisme", des groupes religieux minoritaires et d’autres questions sociales.