Voilà qui tombe en clin d’œil à notre note précédente : l’INSEE publie les chiffres sur l’immigration. Quelques journaux en font même une large place dans leurs colonnes. Le Nouvel OBS sur son site internet indique sobrement que « L'Insee dresse un portrait de la population immigrée », résumant simplement les données du recensement 2004 et 2005 publié par l’INSEE. De son côté le Figaro ne veut que l’on retienne du recensement avant tout que la forte évolution des populations venant d’Afrique noire. En une du site internet de ce journal on peut lire : « Forte hausse de l’immigration d’Afrique noire ».
Cette enqûete intéresse le sociologue du fait religieux, car il constate la forte présence d'immigrés dans les groupes religieux minorotaires. Comprendre la problématique migratoire, c'est aussi comprendre l'évolution de la sociologie de plusieurs groupes religieux en France.
Le numéro 1098 d’INSEE Première qui reprend au travers de la plume de Catherine Borrel les grands enseignements du recensement, ne peuvent pourtant se limiter à l’enseignement essentiel que retient le Figaro. Qu’apparaît-il ?
Premièrement, un revirement de situation au niveau de l’INSEE, que d’ailleurs le Figaro est le seul à rapporter grâce à une interview de Tribalat. En effet, un secret de polichinelle tombe. Il apparaît clairement que l’INSEE avait sous-estimé les chiffres de l’immigration en France, en admettant qu’il y a, à la mi-août en France, près de 5 millions d’immigrés.
Deuxièmement, le recensement indique que 25% des immigrés sont d’origine européenne. Les 1,7 millions d’immigrés européens d’aujourd’hui marquent une stabilité de ce flux migratoire. Ce dernier connaît en son sein des disparités toutefois. Cette relative stabilité est parallèle à l’augmentation des immigrés venant d’Afrique noire et d’Asie, ce qui amplifie l’augmentation absolue et proportionnelle. En conséquence, on peut sans risque noter que l’immigration reste corrélée aux conditions de vie des migrants dans leurs pays. L’immigration noire particulièrement, revêt dans quelques-uns de ces aspects, uniquement économiques, des traits communs aux vagues migratoires, d’ex pays pauvres européens, même si on lui refuse cette vérité comparative.
Un autre point montre l’influence du genre de moins en moins déterminante. Un véritable équilibre, entre les hommes et les femmes, s’installe, illustrant le passage d’une immigration du regroupement familial, à une immigration de travail (même si les deux ne doivent jamais être séparés).
Le quatrième point marquant est que 40,2% des immigrés sont de nationalité française. Voilà qui pose la question républicaine pour certains (je me permets de retourner le terme à mon avantage) : pourquoi parler de ces derniers comme uniquement des immigrés et non comme des français ? Derrière la question il y a comme le fait Borrel la nécessité de différencier immigrés et étrangers. Dans les deux cas certains sont des français et d’autres pas. L’étranger est celui qui est né hors de France et est en France. Certains sont français. Il en existe même qui sont français et n’ont jamais mi le pied en France ! Et oui. Sur ce point de définition on peut ne pas être d’accord avec l’INSEE qui définit l’Etranger par sa présence en France et son statut de non français. Le critère discriminant est celui de la nationalité. Mais là est certainement une définition technique permettant de différencier facilement ce dernier de l’immigré et du national.
Mais pour moi qui suis natif des Antilles, le point le plus marquant est la présentation de la population des DOM comme renfermant 6% des immigrés. C’est quelque peu étonnant puisque on n’est pas ici dans la plus haute moyenne des départements ou régions. De plus, cette insistance semble ne pas considérer que les notions, d’immigrés, d’étrangers, de nationaux, sont des constructions administratives qui dans les DOM ne recouvrent pas la réalité social et historique, mais la morcelle dangereusement. En effet elles oublient que les mouvements de populations, volontaires et forcés (Cf. les déportations esclavagistes), définissent la majorité des DOM. Dans le cas antillais, qu’est-ce qu’un national, un antillais, un immigré, un "métropolitain"… ? Cette insistance sur les 6% comme souvent la manière de présenter les chiffres de l’immigration (même si c’est maintenant l’heure des commentaires et articles) ne lève pas le coin du voile sur le passé colonial français et sa gestion des populations comme des flux d’ajustement (voilà qui rappelle la loi Sarkozy). Bien des choses restent finalement à dire et à redire, en espérant ne pas rester dans l’enclavement des termes.
Avec moins de 5 millions d’immigrés, dont 1 970 000 sont des français, il y a de quoi dégonfler la bulle et les mythes autour de la politique de l'étranger à la française, qui finalement concerne "que" 2 930 000 personnes. Alors pourquoi tant de crispations, d’injustices, autour d’une proportion si minime de la population ? J’expédie la question à la rue Beauvau.