Mise à jour le 18/06/2016 de la note publiée initialement 01/03/2007/.
L’ouvrage de Jean Marcussen "La loi du dimanche" a obtenu un succès phénoménal dans l’Eglise Adventiste. Il faut dire qu’outre le fait que cet ouvrage soit écrit par un adventiste, il mobilise un élément important du discours millénariste adventiste, à savoir la crainte que s’impose de nouveau au monde l’obligation d’observer le dimanche comme jour de repos dominical, au détriment du sabbat. L’adoption d’une telle législation est pour l’Eglise Adventiste une étape vers la parousie et une affirmation de son discours eschatologique. Cette vision adventiste de la « National Sunday Law » peut contribuer positivement au questionnement sur les liens entre croyances adventistes, et judaïsme et perception antillaise de l'adventisme. Je m’explique…
Aujourd'hui les passions autour de l'esclavage pointent du droit la place des juifs dans l'histoire de l'esclavage. Le sujet est sensible. Il doit être remis dans son champ historique et surtout la structuration du capitalisme entre le XVe et XIXe siècle.
Il me semble, qu'en "ne voulant pas être esclave de l'esclavage qui asservi mes pères" (Frantz Fanon), il est opportun de souligner que l'adventisme, tel qu'il est vécu et représenté est un espace de convergence entre judaïsme et descendants d'esclaves en contexte postesclavagiste.
Notons par exemple la forte présence d’Israël dans le champ lexical adventiste. Ce dernièr n’est pas sans rapprochement symbolique avec les Antilles, terre de migration, de souffrance, théâtre d’un crime contre l’humanité, peuple de diaspora où la projection permanente dans un futur à construire est omniprésente (n'allons quand même pas trop loin dans les rapprochements).
La loi du dimanche autorise à construire un rapprochement encore plus fort. Et cela nous le retrouvons dans le Code Noir de 1685. Dès l’article premier de celui-ci l’injonction est faite aux officiers du Roi « de chasser hors de nos îles tous les juifs qui y ont établi leur résidence, auxquels, comme aux ennemis déclarés du nom chrétien, nous commandons d’en sortir… » (Attention, il faut, je le répète plus globalement analyser la structuration du capitalisme à cette époque). Intéressant de constater qu’en cette période la discrimination touchait noirs (esclaves) et juifs (limités dans les possibilités de faire commerce), même s’il faille noter que l’esclavage était en destination des nègres.
De plus, la notion d'esclavage dans le judaïsme renferme un ensemble de loi de protection pour l'esclave incompatibles avec le système esclavagiste. La durée de l'esclavage, la possibilité d’émancipation les années sabbatiques, le repos hebdomadaire... faisait qu'une application rigoriste du judaïsme en terre d'esclavage était paradoxal. Mais, on le sait, maintes d'être humains ne s'embarrassent pas des paradoxes!
Revenons au propos: ce voisinage de situation est déjà un élément qui permet de ne pas opposer chercher l'opposition narcissique entre juifs et esclavage noir dans l'histoire. Je parle d'opposition narcissique car celui qui l'a réalise en général part de la primauté de sa souffrance sur celles des autres. Même si elles sont de dimensions, de reconnaissances, d'intensités, de durées différentes... la leçon de l'Histoire est de fédérer les injustices pour les dépasser et non les opposer. D'ailleurs les souffrances juives et de l'esclavage connaissent des points de croisement dans l’histoire.
Revenons. L’article 6 du Code noir de 1685 (et l’article 5 du Code noir de 1724) imposent aux esclaves « d’observer les jours de dimanche et fêtes qui sont gardés par nos sujets de la religion catholique, apostolique et romaine ». Deux populations étaient ainsi visées. Les juifs qui devaient abandonner le sabbat et les nègres, esclaves, qui se voyaient officiellement forcés d’adopter les rites catholiques. Encore une fois bien que le crime touchait avec plus de cruauté les noirs, les juifs connaissaient une discrimination simultanément. D'aucuns disent que si les juifs étaient exclus c'était pour endiguer leur implication et les avantages attendus. C'est peut être vrai. Mais il faut noter le ciblage de ces deux populations, mêmes si elles n'avaient aucun rapprochement.
Pour ce qui concerne l’adventisme, alors qu’il raisonne dans un avenir la National Sunday Law, les populations antillaises (descendantes d'esclaves) ont historiquement déjà vécues les drames de celle-ci, donnant à la vision dramatique qu’a l’adventisme de la National Law, une existence historique, bien réelle.
Dans l'espace Antillais adventiste le judaïsme est conçu comme un espace de libertés à protéger pour le bénéfice de tous, y compris ceux des populations noires. L'histoire du judaïsme de son élection à aujourd'hui en passant par la pérégrination, son âge d'or, sa souffrance au XXè siècle, est une transposition de l'histoire noire! C'est donc la perception d'une souffrance commune est prépondérante. Elle résume à partir de drames, la possibilité pour Dieu de sauver les situations les plus extrêmes. De fait, le parcours du peuple juif demeure un modèle, une situation type que doit connaître tous les peuples qui acceptent d'appliquer les préceptes divins.
La valeur ajouté que l'adventisme considère avoir est classiquement celle retenue dans le christianisme autour du messie. Outre cela les adventistes du septième jour ont donc en commun la crainte que la National Sunday Law marque le retour d'injustices contre les juifs mais aussi les adventistes et tous les sabbatistes. Ainsi, particulièrement en terre antillaise, les adventistes sont particulièrement réceptifs à toutes les formes d'agression, d'injustice relatés sur les juifs et les adventistes, toutes interprétées comme des indices de la parousie.