Après 1844, le millérisme éclate en trois courants adventistes : les spiritualistes, les albanistes et les sabbatistes. De loin le plus petit au départ, ce dernier groupe sera le seul vrai survivant du millérisme et s’étendra même au monde entier. La raison de l’étonnante vitalité de l’Eglise adventiste du septième jour est essentiellement théologique. Car la grande différence est celle-ci : les autres courants délaissent certains aspects de l’héritage millérite alors que les sabbatistes le gardent inctact et bâtissent dessus.
La crise d’identité
En estimant que rien ne s’est passé le 22 octobre 1844, les albanistes ont presque scié la branche théologique sur laquelle ils sont assis. Des recherches bibliques laborieuses de plusieurs décennies sont remises en question. Ils ne savent plus quoi faire des « 2300 jours » prophétiques de Daniel 8.14. Comme résultat, leur compréhension prophétique est obscurcie et en partie vidée de sa substance. Si c’est pour arriver à cela, leur groupe n’a plus vraiment de raison d’être. L’apport du millérisme au christianisme, c’est le couronnement de la longue tradition prophétique historiciste. Sans une claire vision de cela, les albanistes traversent une crise d’identité. Ils ne s’en remettront jamais. Beaucoup d’entre eux réintégreront leurs anciennes églises protestantes, qui par ailleurs s’écarteront progressivement de l’interprétation historiciste traditionnelle.
Les spiritualistes n’ont pas rejeté la date du 22 octobre mais ils adoptent l’idée non biblique du retour spirituel de Jésus sur la terre. Autrement dit, une venue invisible et secrète ou dans les esprits des croyants. En ce sens, ils s’écartent de l’héritage millérite. William Miller a toujours rejeté les spéculations. Il a affirmé avec force que le retour du Christ sera visible (Apocalypse 1.7). Les spiritualistes se sont mis dans une situation intenable. Une conséquence de la parousie doit être la disparition du mal chez les individus et dans l’environnement. Ils ont donc essayé d’être parfaits et sans péché. Dans l’histoire du christianisme et des religions, les idées perfectionnistes ont conduit vainement et tristement à des comportements extrêmes et ascétiques, tels que l’obligation du célibat, l’abstinence sexuelle dans le mariage, l’isolement du monde, la privation de nourriture et de sommeil, l’autoflagellation, et j’en passe, pour tenter de fuir ou d’expurger le péché. Déjà à leur époque, les apôtres du Christ s’opposaient au perfectionnisme :
« Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ce que je suis par nature. » (Romains 7.18)
« Si nous prétendons n’être coupable d’aucun péché, nous vivons dans l’illusion, et la vérité n’habite pas en nous. Si nous reconnaissons nos péchés, [Dieu] est fidèle et juste et, par conséquent, il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de tout le mal que nous avons commis. » (1 Jean 1.8-9)
Au fil du temps, la conception naïve des spiritualistes bute sur l’évidence. Le mal fait toujours rage sur terre. La supposée venue spirituelle du Christ n’a pas aboutie à l’élimination promise du mal. Avis aux perfectionistes : la perfection absolue est impossible sans un changement total de nature. Or selon la Bible, la nature pécheresse des sauvés ne sera pas changée avant le retour du Christ (1 Corinthiens 15.42-56). Par la force des choses, le courant spiritualiste a donc agonisé d’une mort naturelle.
Fidèles à l’héritage
Reste les sabbatistes. Dans la plus pure tradition millérite, ils poursuivent les recherches. Ils fouillent. Ils prient. Ils prendront le temps qu’il faudra, des mois et des années, à étudier et à réexaminer toutes les pages de la Bible pour élucider toutes les questions qu’ils se posent. Ils ont acquis cette conviction : Dieu les a guidé dans le passé. Ils les guide dans le présent et il les guidera dans l’avenir. Pour cette raison, ils ne rejettent pas l’héritage millérite, c’est-à-dire l’espérance du retour du Christ, l’interprétation historiciste, la conversion d’un jour prophétique en une année, la période des « 2300 jours » prophétiques. Et le 22 octobre 1844, pas davantage. Le millérisme est profondément protestant. En effet, les millérites acceptent les doctrines fondamentales du christianisme : l’inspiration de la Bible, la trinité, la création, la double nature du Christ, sa mort de substitution, le salut par la grâce, les miracles, la résurrection. Elles n’ont jamais été l’objet d’une discussion ou d’une dissension parmi eux. Le millérisme ajoute seulement cette spécificité : un regard prophétique historiciste et une emphase sur le retour du Christ. Aujourd’hui, les adventistes du septième jour sont les plus grands dépositaires de cet héritage spirituel.
L’éclairage prophétique
En narrant leurs visions, William Foy et Ellen Harmon encouragent les millérites à examiner de plus près le texte biblique. Les adventistes sabbatistes prennent cela très au sérieux. Ils auront la réputation d’être des « Béréens » et un « peuple de la Bible ». Ils sont à la recherche, à la redécouverte de la moindre parcelle de vérité biblique. Peu à peu, leur conviction se fait que le don prophétique ne s’est pas éteint depuis les temps apostoliques. Ils y voient un accomplissement de la parole prophétique en un temps de la fin :
« Après cela, moi, je répandrai mon Esprit sur tout le monde : vos fils, vos filles prophétiseront. Vos vieillards, par des songes, vos jeunes gens par des visions, recevront des révélations... avant que vienne le jour de l’Eternel, ce jour grand et terrible. Alors tous ceux qui invoqueront l’Eternel seront sauvés. » (Joël 3.1-5) ; Les sabbatistes notent que l’activité prophétique a été fluctuante à travers l’Histoire. A certaines périodes, « les visions n’étaient pas fréquentes » (1 Samuel 3.1). Les prophètes sont souvent apparus à des moments cruciaux et troublés de l’Histoire du salut : Moïse durant l’exode hors de l’Egypte, Daniel durant l’exil à Babylone, Zacharie au retour de l’exil, Jean-Baptiste à la première venue du Christ ou Jean durant la persécution de l’Eglise chrétienne primitive. Alors pourquoi pas au temps de la fin, avant la seconde venue du Christ ?
C’est une époque de grande confusion religieuse. Les revivalistes, les millénaristes, les communautaristes, les utopistes, les spirites, les diseurs de prophéties, les célibataires obligés, les polygames, les franc-maçons, les perfectionnistes et les transcendentalistes envahissent la scène spirituelle jusqu’alors dominée par les églises conventionnelles. Cela ne cessera plus avec l’apparition au XXème siècle des religions ésotériques, néo-païennes et d’inspiration orientale, des gourous en tous genres, des faux Christs et du Nouvel âge. D’un autre coté, on n’a jamais connu une telle ignorance du message biblique. Le cri prophétique résonne fort à-propos : « Mon peuple périt faute de connaissance » (Osée 4.6). Le déisme et la critique de la Bible ont pavés la voie à l’athéisme, d’autant plus qu’à l’époque les évidences archéologiques de la véracité du Livre sacré n’ont pas encore été découvertes. Les sabbatistes ne le savent pas encore, mais de nouvelles menaces pour la foi chrétienne sont sur le point de déferler : le darwinisme, le marxisme et le capitalisme. Aux Etats-Unis, des jungles urbaines sont en train de naître comme des champignons avec un cortège de vices et de fléaux sociaux : une consommation extravagante d’alcool, une exploitation des pauvres et en retour des conflits avec les riches, l’immoralité galopante, l’individualisme et sa compagne la solitude, le grand banditisme et la criminalité. Le monde moderne va basculer dans la poursuite effrénée du progrès matériel (le nouveau dieu !) au point d’arriver en seulement plus d’un siècle, on le voit aujourd’hui, à du jamais vu : le spectre effrayant de la destruction de la planète – par la bombe nucléaire ou écologique. Quel « progrès » ! Temps troublés ! Temps dangereux ! Temps solennels ! S’il est un temps où l’on a bien besoin d’entendre la parole prophétique, c’est bien celui-ci. Les prophètes (et les faux-prophètes pour brouiller les pistes) apparaissent souvent à des périodes charnières de l’histoire comme pour anticiper les évènements. C’est bien pour cela qu’ils sont prophètes ! Ils ont un message pour leur temps qui ne peut pas être présenté avant le temps. C’est ce qu’Ellen Harmon appellera « la vérité présente ».
William Foy, Ellen Harmon ! Tous les deux ont reçu des visions. Pour les historiens, c’est un fait indiscutable. Une documentation abondante existe. Des milliers de personnes ont été des témoins. Des incroyants comme des croyants. Des sceptiques et des chrétiens. Des opposants, des médecins, des historiens, des journalistes et des théologiens de diverses confessions ont examinés leurs faits et gestes en direct à la loupe. Les critiques les plus acerbes ont été confondus. Nous y reviendrons. La seule interrogation est donc théologique. Foy et Harmon (mieux connue par son futur nom d’épouse, Ellen White) ont-il reçu le don de prophétie ? Comment distinguer le vrai de la contrefaçon ? Dans la prochaine note historique, nous verrons comment les rationnels et prudents sabbatistes tireront leurs conclusions.
Commentaires
Bonjour
Existe'il un schema sous forme d'images de l'avant 1844 plus précisément depuis le chapitre 1 de daniel jusqu'à la fin de l'apocalypse.
cela pourrait être un grand dépliant sous forme de rouleau, ceci afin de faire connaitre a des gens la suite logique de l'histoire repréesntée par ses royaumes sous des apelations d'animaux.
merci
Huguenin jp