En second lieu, nous voulons montrer que, au-delà des aperçus rapides et souvent polémiques sur les groupes religieux minoritaires (minority religious groups - expression que nous avons proposée dans un cahier spécial de Mouvements religieux en 1992 pour recouvrir les sectes, les cults, les dénominations, les groupes métaphysiques, les cercles spiritualistes- il existe des études empiriques sérieuses qui exigent du temps. Celles sont réalisées par des chercheurs qui se retrouvent isolés et souvent suspectés de complaisance envers leur objet de recherche. Ces journées leur permettent d’échanger, de se rencontrer et de confronter leurs interprétations. Rien ne vaut les études de terrain et la consultation des archives quand celles-ci sont possibles. Les grandes mises en perspective viennent après. Les descriptions historiographique et sociographiques qui laissent voir la vie et le fonctionnement d’un mouvement religieux viennent avant le recours aux théories interprétatives ou à la construction théorique adéquate quand l’étudiant, non satisfait par ces dernières laisse aller son imagination sociologique.
En troisième lieu, nous voulons poursuivre la ligne tracée par Henri Desroche (Les shakers américains) et Jean Séguy (Les assemblées anabaptistes mennonites de France) qui avant de théoriser l’un une théorie de l’espérance et l’autre une théorie de la protestation socioreligieuse (manifeste ou implicite) se sont adonnés à des études empiriques et documentaires. L’un et l’autre nous ont également montré l’importance des études des minorités religieuses même si leur oeuvre dépasse ce centre d’intérêt. Plusieurs d’entre nous se sont efforcés de suivre leur exemple et nous doivent encourager des chercheurs à poursuivre dans cette voie. Nous leur avons donné la parole. Christian Euvrard déjà connu pour son livre (Louis Auguste Bertrand, Journaliste socialiste et Pionnier Mormon, 2005) nous a entraîné dans deux communications vers une histoire française du Mormonisme et vers une enquête statistiquement bien fournie sur le mormonisme français. Anne Sophie Trigeaud s’est penchée sur l’utopie dans le mormonisme. Charles Carter a montré la difficulté que les communautés locales mormones rencontre pour fixer durablement leurs recrues. Bernadette-Rigal Cellard, professeur d’études nord-américaines du monde anglophone a conduit les débat de la matinée et s’est demandé pourquoi des français se convertissent au mormonisme dans la session de l’après-midi. Crystal Vanel a décrit une communauté dissidente mormone. Les professeurs Georges Jarvis (université de Hawaï et Dupanloup (Ecole des Arts appliqués de Genève) ont donné une ouverture européenne à cette journée d’étude.
Permettez-moi de remercier l’auditoire d’avoir été présent en si grand nombre et M. Jim Owen, Professeur à la Brigham YoungUniversity, actuellement en poste à Bruxelles d’avoir été le modérateur de l’après-midi et d’avoir facilité le contact avec les chercheurs qu’il connaissait. Beaucoup de chercheurs européens travaillent sur le mormonisme et ceux que nous n’avons pas entendus ce jour viendront à Bordeaux l’an prochain poursuivre et amplifier cette rencontre.
Je termine en disant mon admiration envers ceux qui entreprennent une recherche sur le mormonisme. J’ai consulté le site d’un libraire sur internet, Pour la France, on compte environ 180 publications sur les mormons. Pour les Etats-Unis, environ trois mille sans compter probablement plusieurs centaines d’articles publiés dans des revues scientifiques. Il faut assimiler une documentation énorme avant de pouvoir poser une question originale sur le mormonisme. Pour ma part, quand, j’ai commencé à rédiger ma thèse sur les Témoins de Jéhovah dans les années 1973- sous la direction de Jean Séguy, Il n’y avait pratiquement aucune étude scientifique. Il n’existait que de la littérature secondaire et quelques articles. James Beckford a publié sa thèse sur le sujet en 1975. C’était la première grande étude académique sur ce mouvement. Nous ne pouvions qu’innover sans nous préoccuper des pistes antérieures. En ce qui concerne l’étude actuelle des Mormons, c’est autre chose…
A l’an prochain à Bordeaux…
Régis Dericquebourg
GSRL (CNRS), Université de Lille3.Charles De Gaulle.