Avec des tendances différentes certes, mais globalement l'ensemble de la classe politique martiniquaise et guyanaise est satisfaite du référendum à venir. Le chef de l'Etat demandera dans une formulation encore à découvrir, si ces régions acceptent une évolution statutaire qui permettra une autonomie encadrée par référendum les 17 et 24 janvier prochains. La Guadeloupe est laissée de côté. Paye-t-elle le mouvement social de 44 jours ?
Certainement en partie mais pas seulement. Rappelons que déjà en 2003 dans une précédente consultation 74% des guadeloupéens refusaient une évolution vers une assemblée unique alors que seul un peu plus de 50% des martiniquais disait non. L'explication n'est donc pas uniquement dans la récente grève, mais dans une histoire avec la France faites de méfiances exacerbées et de folies passionnelles.
La Martinique bénéficie de plusieurs facteurs historiques à son avantage vers l'évolution pour une autonomie. Premièrement il y a eu la forte influence de Césaire sur l'ensemble de la classe politique. Depuis 1946 il luttait pour l'autonomie annoncée. Deuxièmement il y a la forte présence des békés qui, contrairement à ce qui est annoncé, ne voient pas dans l'évolution statutaire une entrave à leurs avantages. Surtout, les mouvements indépendantistes martiniquais avec le célèbre et tonique Alfred Marie-Jeanne, n'ont jamais cachés leur élan pour une autonomie. Elle permettrait d'accéder à un statut plus réaliste, alors que l'indépendance est de plus en plus qu'une vue de l'esprit quand il faut sortir des discours et en venir à la real politique.
En Guadeloupe, les luttes sociales très denses depuis 1902 (la première grève a lieu en Martinique en 1900 et la première réunion syndicale vers 1893 en Guadeloupe, par des ouvriers japonais - oui j'ai bien dit japonais), dont la dernière de 44 jours, entravent fortement l'image de la France, mais aussi des politiciens locaux. De fait, les guadeloupéens se méfient fortement d'une évolution statutaire qui donnerait plus de pouvoir aux élus locaux ! D'autre part, on pourrait penser qu'avec l'influence du LKP dont on connait la forte présence de nationalistes (pas uniquement) dans ses rangs, les guadeloupéens qui se laissent mobiliser par ce réseau militant, seraient ouverts à l'évolution statutaire. Certainement pas, si les guadeloupéens reconnaissent au LKP une compétence, une expertise pour résoudre les problèmes sociaux, ils n'imaginent pas lui laisser la direction politique de l'île. Le LKP est incontestablement un contrepouvoir social. Echaudés par l'histoire, les guadeloupéens ont développé une forte méfiance vis-à-vis de leaders, même quand ils les soutiennent ! De fait, la crainte est que le LKP se laisse aller à l'indépendance quand eux, guadeloupéens, pensent à l'autonomie. Dans ce climat de suspicion généralisée le statut quo reste un réflex. Le gouvernement le sait, dans un contexte de tensions sociales toujours exacerbée en Guadeloupe, inutile de provoquer un échec à quelques mois des régionales, devant des caméras qui ne manqueront pas de retourner en Guadeloupe pour le premier anniversaire de la grève générale de 44 jours.
Dans sa rencontre avec les élus de Guyane et de la Martinique, le chef de l'Etat indique selon l'Express que « le statut quo serait la pire des choses ». C'est pourtant l'optique pris par le gouvernement à ce jour. Reste à voir jusqu'à quand et surtout si la classe politique guadeloupéenne fabriquera un consensus assez fort pour renverser ce pire.
Commentaires
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