« Le mot »
Le vocabulaire qui explicite la santé est très riche. Frustrons-nous en le regardant furtivement. A lui seul il impose de considérer la santé au-delà de la définition médicale. Cela conduira à faire le lien avec une certaine vision religieuse de la santé.
En grec deux mots se distinguent pour parler de santé. Le premier est hugiainô qui signifie être en bonne santé, se porter bien. Racine du mot hygiène, il ne s'applique pas seulement aux personnes mais aussi à un pays. Cette vision est encore présente quand nous parlons de la santé économique et sociale d'un Etat. L'autre terme est noséô qui signifie être malade et s'applique aussi à une très grande panoplie de situationS et pas uniquement à l'individu. Un autre mot mérite d'être signalé, il s'agir de sôzô qui signifie protéger d'un danger ne pas tuer, épargner, sauver. Un dérivé comme sôtéria (salut) permet de souligner le lien complexe entre santé et religion.
La mythologie grecque va aussi fournir des personnages connus dont les noms vont être les racines de mots utilisés tous les jours pour parler de la santé. Parmi la multitude d'exemples il y a Hygiè. Elle est la fille d'une famille de médecins qui prétendait descendre d'Asclépios. Asclépios était le fils d'Apollon, dieu de la lumière et puissant guérisseur et de la nymphe Coronis. Asclépios était un brillant médecin. Il arriva même à ressusciter des morts! Zeus, aussi grand-père d'Asclépios ne toléra pas cette prouesse. Pour Zeus la résurrection ne pouvait être permise car elle avait des conséquences irrémédiables sur les grands équilibres de l'univers. Il fut donc contraint de foudroyer son petit fils qui n'avait pas respecté la frontière entre la vie et la mort.
Des confréries médicales se sont par la suite autoproclamés descendants d'Asclépios. Avec une organisation bien hiérarchisée, secrète, stricte sur la protection de leur privilège, elles préfiguraient l'organisation actuelle de la médecine conventionnelle.
Le vocabulaire latin va aussi fournir une profusion de termes autour du mot sanus. Plusieurs variations auront des significations non médicales. Sanarios désignera les personnes âgées. Sanitas le bon sens ou la raison. Sana res publica, plus connue, parlera d'un régime politique qui fonctionne bien. Male sanus fera référence à la personne déséquilibrée. Mais surtout, Sanare est le verbe qui signifie guérir, réparer, apporter une solution.
Un autre mot, Valeo va donner plusieurs autre mots très présents dans le français. L'une des déclinaison est valetudo pour qualifier le bon ou le mauvais état de santé. Il a donné valetudinarius qui signifie malade et valetudinarium, qui est le lieu de regroupement des malades, l'hôpital. On le retrouve en français dans valétudinaire.
Valeo a aussi donné validus qui veut dire être robuste, bien portant, efficace, puissant. On retrouve valeo à la fin des échanges épistolaires. Il alimentait les expressions de salutations comme vale, valete (adieu) ou plus explicitement cura ut valeas pour inviter l'interlocuteur à prendre soin de sa santé.
Un autre mot latin est salus. Il comprend la bienséance, c'est-à-dire le fait de savoir appliquer les normes sociales pour se présenter à autrui. Salus englobe également le bon état physique
Une valeur universelle fondamentale
La santé est la quette du bien être. C'est une recherche présente dans toutes les cultures. Il n'existe pas de société où la maladie n'est pas définit et la santé recherchée. Dans toutes les cultures des personnes spécifiques sont les dépositaires d'un savoir reconnu sur la santé.
Toutes sociétés est aussi le support de croyances, rites, mythes où la santé a une place toute particulière. L'origine de la maladie est toujours expliquée. Elle peut être d'origine surnaturelle, l'effet d'un sort, la conséquence d'une attitude ou simplement la résultante de phénomènes physiques et biologiques.
La santé est donc bien plus qu'un état corporelle. Elle est une valeur unanimement partagée. On le constate lors des vœux de nouvelle année. En maintes lieux du globe, on souhaite une « bonne santé » parce que c'est un bien, une valeur fondamentale. D'elle découle tout. Sans elle on est plus dans le monde de l'impossible que l'inverse.
Une construction sociale
Généralement la santé est présentée comme une notion claire et évidente. C'est principalement le cas en sciences médicales où elle est conçue comme l'absence de pathologie, de dysfonctionnement, voire d'infirmité. Mais à regarder avec attention tel n'est pas le cas.
L'O.M.S conçoit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité »
Cette approche de l'OMS confirme que la santé ne peut pas être considérée comme une notion stable. Elle varie en fonction des périodes historiques, des cultures ou encore des catégories sociales. La sociologie de la santé insistera particulièrement sur les éléments qui échappent à l'individu et qui influencent la notion de santé. En d'autres termes, la sociologie approchera la santé comme un fait social.
Sentiments individuelles
La santé est une notion qui dépend du contexte dans laquelle elle est construite. Mais quelque soi les contextes et les situations particulières, la santé implique le rapport de l'individu à son environnement et à son propre corps.
L'individu est donc au centre de la construction de la santé. Rien ne vaut un exemple précis et classique.
Ce n'est pas en allant chez le médecin que l'individu découvre qu'il est malade. En amont il a la sensation d'être malade. Se rendre chez le praticien c'est pour l'individu tenter de comprendre l'origine de son mal et les solutions qui peuvent y être apportées. La notion de santé et plus particulièrement de bonne santé dépend étroitement des représentations que nous avons de notre corps.
Cette relation est très importante, elle transcende souvent l'opinion du praticien. Un deuxième exemple pour bien s'en rendre compte. Un individu convaincu d'être malade peut être en opposition radicale avec son praticien. En effet, il est classique pour des patients d'aller chez un médecin pour comprendre le mal dont-ils sont victimes et se voir opposer « Madame, Monsieur, tout va bien » après des examens poussés. Si le praticien se rend compte de l'insatisfaction du malade, il peut compléter sa réponse en le réorientant dans le système de soin. Mais cette réorientation peut amener la même réponse. Face à cette situation, souvent le praticien va évoquer le « stress ». D'ailleurs, souvent la notion de stress est utilisé pour cacher l'impossibilité du professionnel à porter une réponse satisfaisante au patient. Sauf cas pathologiques sévèrement avérés par la psychiatrise et la psychologie le stress devient un révélateur de l'impuissance du praticien face au sentiment de mal être du patient.
Du point de vue organique et de l'état des connaissances actuelles, l'individu n'est pas porteur de pathologie. Cependant, à regarder la définition de la santé de l'OMS le patient est malade. L'individu n'a pas un complet état de bien être physique, voire mental ou encore social.
La santé, une notion instable.
La santé ne dépend pas seulement du seul regard du médecin. Elle est le produit d'évolutions sociales, de la science, de la relation de l'individu à son propre corps tout en étant une valeur universelle. Parler de santé c'est se rendre compte qu'elle est tributaires de changements. La santé est donc, contrairement à l'évidence, une notion instable qui fluctue dans le temps, les contextes sociaux et entres individus.
Tout l'objet de la sociologie et de l'anthropologie de la santé sera de mettre en évidence les variables qui expliquent cette instabilité.
Instabilités et changements
Noter que la santé est une notion instable c'est souligner son caractère évolutif. L'idée que l'on a de la santé, des gestes sanitaires, de l'hygiène, varient dans le temps en fonction de l'évolution du savoir scientifique, de la culture, du niveau de formation, de l'urbanisme ou encore de la catégorie sociale. Parmi les facteurs qui permettent cette évolution il y a la religion. Cela peut surprendre, mais loin d'être un élément qui freine la connaissance scientifique sur la santé le religieux le permet. Par contre, il oriente significativement cette évolution. C'est un fait. Alors ce qui nous intéresse c'est de constater comment la religion participe participe à l'évolution du savoir sur la santé. Nous tournerons essentiellement autour de l'exemple de l'adventisme. Il permettra d'insister le rapport entre savoir scientifique et religion d'une part. D'autre part, il permettra de noter un impératif majeur qu'est de considérer la santé comme un savoir qui englobe bien plus que le savoir scientifique. Oui, oui, vous m'avez bien compris. Avec l'anthropologie de la santé, la science est qu'un des éléments qui aident à construire la notion de santé. Parmi eux il y a une vision de la santé qui ne s'oppose pas globalement à la science et mieux, participe à son dynamisme, évidemment, sur des secteurs compatibles au discours religieux. C'est ce que j'ai appelé les religions de la santé. Nous verrons cela dans à partir d'exemples empriques précis qui permettront de parler de la place de la culture.