Une amplification de la prise en compte de la pluralité culturelle.
Il est extraordinairement intéressant (si on peut se permettre ce langage) de noter l'évolution de l'adventisme en France. Et là, l'Eglise adventiste française est semblable à l'ensemble de la société française. Jusqu'aux années 90 l'adventisme devait faire face aux nombreuses cultures de ses membres dans un pays à la tradition colbertiste, jacobine et à la mémoire sélective sur l'histoire coloniale. Conséquence ; la hiérarchie adventiste était bien loin de ressembler aux militants. Les choses n'en sont plus là. La forte migration d'antillais adventistes laisse de plus en plus la place aux flux de l'Est, de Russie, d’Amérique latine (Brésile) et d'Europe du Sud. La diversité culturelle des membres impose de plus en plus une diversification des représentants adventistes, même si le chemin est encore très long.
Les études sur cette question débutent dans les années 70 dans l'espace francophone (Canada, Martinique). Dans l'Hexagone l'analyse de la place des cultures non autochtones dans l'adventisme s'élaborent fin des années 70 début des années 80. Elles ne sont pas nombreuses et notent des difficultés à avoir un regard d'équité (je n'ai pas dit égalitaire!) sur les adventistes migrants. Ronald Coffin par exemple, note les inéquités et inégalités de traitement entre antillais et hexagonaux et j'ai moi-même prolongé l'analyse à partir de données de Coffin complétées, sur les différences de gestion entre pasteurs antillais et autochtones. Attention, le contexte de l'époque pèse et est une source importante de compréhension. La France est dans une perspective très centralisée. Elle n'a pas développée une sensibilité à la diversité culturelle. L'Etat est très parisien, la décentralisation n'est même pas encore balbutiante et la mémoire d'une décolonisation ratée est une plaie ouverte. D'autre part, les antillais réalisent une migration de travail et l'important est l'insertion sociale et non l'insertion dans l'organisation religieuse.
Les années 90 vont marquer le besoin de reconnaissance dans l'organisation adventiste et apparaîtra de plus en plus des responsables adventistes venus d'autres cultures et qui graviront davantage l'échelle du pouvoir adventiste.
A la fin des années 90, début du nouveau millénaire le chemin parcouru peut être mesuré. Les migrations qui nourrissent l'adventisme sont diversifiées. L'influence numérique antillaise bien qu'importante recule proportionnellement. Il semble même qu'un reflux commence à être observé (A confirmer par les historiens dans quelques années!). Des églises dites ethniques existent ce qui était impensable dans la France des années 70's, 80's.
Comme pour de nombreuses organisations religieuses protestantes, à l'instar des groupes évangéliques (même si là les adventistes ont du retard), l'adventisme a du s'adapter aux évolutions de sa sociologie dans l'expression religieuse, les rites et sa cohésion relationnelle. Sur ce point, alors qu'elle épousait dans les années 80 les normes de l'idéal politique, l'Eglise adventiste semble, avec difficultés mais succès, prendre le virage de la représentativité sociologique. Le parcours est encore long si une comparaison avec les groupes évangéliques doit être réalisée, cependant l'adventisme est sur la bonne trajectoire, en dépit des frictions internes parfois.
Dans une moindre mesure, certaines réticences que rencontrent l'inéluctable nécessité de s'adapter aux évolutions culturelles de ses membres s'explique par le défi organisationnel.
Culture du résultat dans le maintien des exigences
Le défi organisationnel est certainement le chantier le plus important que connaît l'adventisme. Il doit répondre à plusieurs contraintes :
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Se conformer à l'évolution de la sociologie adventiste
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Renforcer la performance, l'efficacité, d'un adventisme inconnu du grand public
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Prendre en compte les impacts de la crise économique
L'adventisme est une organisation avec une importante structure hiérarchique à la forme pyramidale. Les communautés locales forment la base et le sommet, la tête, se trouve aux USA. C'est un classique de l'analyse stratégique. Plus les échelons sont nombreux moins l'organisation est réactive, flexible. Mais dans le cas d'une église ce n'est pas un contresens selon moi, car le but d'une église n'est pas de s'adapter aux évolutions à court terme. Au contraire, la fiabilité de l'organisation passe par une stabilité éthique, théologique qui est portée par une organisation également stable. Le prix est le risque d'être souvent en friction avec attentes sociales. Je parle de friction non au sens de tension, mais de décalage comme le chômage frictionnel par exemple Fixité de l'organisation et adaptabilité aux évolutions sociales sans remise en cause des fondamentaux est donc une difficulté majeure pour les églises. On rencontre cela dans l'adventisme. Pour y arriver la fixité de l'organisation doit s'appuyer sur des outils permettant de saisir l'efficacité de ses actions. Et là nous venons à un point précis des défis adventistes.
L'adventisme français doit de plus en plus accepter l'utilisation d'outils de mesure de son action. Il ne s'agit pas uniquement de savoir si une action à conduit à un succès, ou si une forme de pratique pastorale est meilleure qu'une autre, mais plus largement de se positionner par rapport à un objectif donné. Cela ne peut pas être fait sans une évaluation permanente. Dans d'autres continents, cela est évidents. Existe ainsi pêle-mêle dans l'espace adventiste : carnets de bords, ratio de baptêmes par pasteurs, ratio du nombre d'études bibliques, durée moyenne des conversions, coût moyen par membre d'une conversion, fréquence des thèmes prêchés (homilétique), correspondance entre thèmes abordés et attentes sociales...
Cette culture de l'évaluation, qui est bien plus que la simple information, connaît des résistances en France. Elles sont importantes. Globalement l'artifice de langage consiste à opposer qualité et quantité.
Vous l'avez compris, l'un des défis adventistes est le management. Difficile pour cette église habituée dans son histoire à se concentrer sur la réalité, la qualité des engagements, de s'intéresser maintenant à l'accord entre qualité et quantité. Cela se comprend. Historiquement, la quantité n'était pas une priorité. Elle découlait automatiquement de la qualité. L'adventisme du XIXe étant une innovation théologique mais surtout organisationnelle, elle répondait à des demandes et rencontrait ipso facto son public. C'est encore le cas dans les pays où sont succès est vivace. Cependant en France, cette logique entretien l'ultraminorité adventiste qui ne rencontre pas « naturellement » un public.
Une révolution institutionnelle poussée par la crise économique.
C'est pour moi le plus gros défi et le plus explosif. La structure adventiste est dense. La crise montre à toutes les organisations, y compris religieuses qu'elles doivent réduire la voilure et augmenter en efficacité. C'est un chantier adventiste très ancien. Concernant la France l'une des propositions est de faire disparaître un échelon administratif, celui des Fédérations afin d'avoir une Union d'églises.
Pour bien comprendre ce dont il s'agit il faut avoir différents points de repères en tête. L'organisation pyramidale adventiste est redistributive. Plus nous gravissons les échelons dans l'organisation adventiste plus on rencontre une concentration de ressources (humaines, économique, médiatiques, expertises, pouvoir...). Comme un Etat central, la structure pyramidale permet de garantir à toutes les communautés adventistes un accès aux ressources nécessaires à son fonctionnement. Petites ou grandes églises ont donc leur pasteur, l'accès aux outils adventistes, etc. C'est indéniablement une performance. On rencontre ainsi une homogénéité dans les communautés adventistes qui sont toutes en interconnexion.
Toucher à l'organisation adventiste doit permettre de garder cet acquis afin. L'Union d'églises garantie cet élément majeur. Elle a pour avantage également de réduire en période de crise économique les dépenses adventistes et devraient selon ses défenseurs accroître la productivité adventiste. En effet en faisant disparaître un échelon administratif, il serait mis fin à une incongruité. Nombres de pasteurs adventistes se transforment dans les niveaux hiérarchiques supérieurs en administratifs, au moins partiellement. Ces derniers retrouveraient donc leur fonction initial, à savoir celui d'évangéliste et/ou de pasteur. Ainsi avec moins de dépense l'Eglise adventiste réduirait le ratio habitants/pasteurs. Elle accroîtrait le maillage du territoire et sa capacité de répondre aux besoins des membres les plus isolés géographiquement.
Ce changement rencontre les plus grandes résistances en raison des avantages acquis et de la peur du changement. Il prend l'allure d'un serpent de mère alors qu'il est une évidence.
En période de crise économique les membres de l'Eglise sdventiste sont de plus en plus vigilants sur les dépenses. Le débat reprend un élan chez de simples membres qui voient l'écart qui s'installe entre leurs capacités financières et les besoins croissants de l'église qui les sollicite. La chasse aux postes de dépenses inutiles est donc ouverte pour augmenter la performance adventiste. Et là, on revient sur ce que nous disions car tout s’emboîte. L'évolution institutionnelle adventiste est possible que si est mis en place des outils de mesures performants des activités adventistes.
Attention, il ne faut pas voir là une impasse mais une opportunité. Nous l'avons dit : l'adventisme a devant lui un vivier de progression dans ses activités à l'interface entre religion et société. Réduire les coûts par une réorganisation stratégique permettrait un redéploiement vers les actions performantes, crédibles où la rentabilité des investissements est grand. Je pense concrètement aux maisons de retraites, aux actions sociales, sanitaires, humanitaires et médicales. Faudrait-il encore que le long terme l'emporte sur l'immédiat.
Le défi organisationnel a d'autres déclinaisons plus locales pour chaque communauté adventiste. Elle touche également à la formation des cadres adventistes qui vient de connaître un changement dans le bon sens. Là sera des éléments de la prochaine note de cette série.