Les fakes news qui attisent et confirment chez certains membres des communautés religieuses ont différentes fonctions. Ils renforcent le sentiment d’élitisme lié à la marginalité. Les groupes religieux minoritaires considèrent détenir une vérité rejetée et/ou incompris par la majorité. La lecture, souvent conspirationnistes qu’illustre les fake news vont conduire certains membres à densifier leur identité minoritaire par opposition à la majorité. Les « entrepreneurs moraux » sont là importants. Ils sont toujours en veille, en quête d’informations qui confirment une lecture prophétique du monde.
Les fake news chez ceux qui y sont sensibles consolident le sentiment d’appartenance au groupe. D’autre part, Elles agissent comme un moyen de se faire peur. Plus qu’un détail dans le cadre millénariste messianique elles sont utilisées comme un outil de veille permanente, qui vise à maintenir l’engouement pour la parousie et donc l’essence même d’un christianisme prophétique millénariste messianique militant.
Les fakes news qui ciblent la papauté arrivent à maintenir ce dernier comme un acteur majeur, négativement perçu dans la chaîne d'événements supposée conduire à la fin du monde actuel. C’est encore un moyen, par identification d’un ennemi, pour construire sa propre identité et une historicité (au sens d’Alain Touraine). Ainsi en adventisme, toute rencontre avec le Pape est traduite en Fake news par les adventistes fondamentalistes. Ce fut le cas lors de la rencontre de Ganoun Diop avec le Pape François où de forts tumultes ont secoué les communautés. Cela se comprend chez des individus qui ont une veille conspirationniste qui construit leur historicité.
Attiser les vigilances, consolider l’identité, identifier un ennemi, proposer par un capital culturel propre une lecture des enjeux religieux et géopolitiques sont des « intérêts » que portent les fake news religieux à ceux qui y accordent de l’importance.
Avec les réseaux sociaux, des informations banales peuvent être réutilisées en fake news. Et c’est souvent le cas. L’illustration précédente le confirme. Une production satirique est prise au premier degré et uniquement ainsi, avant d’être relayée comme vérité (fausse) et devient une fake news alors qu’au départ, tel n’était pas le cas.
Je disais, rien de nouveau sous le soleil. Un exemple simple dans la sphère adventiste. Analysant la déception des millérites (mouvement dont est issu entre autre l’Eglise adventiste du septième jour) entre 1843 et 1845 sur la fin supposée du monde qui n’est pas survenu, Léon Festinger va créer le fameux concept de dissonance cognitive. Il montre ainsi que les croyant qui ne voient pas survenir une prophétie développent des croyances alternatives pour résoudre la tension psychologiques entre la réalité objective et celle désirée. Ce mécanisme de protection est important et permet par réflexe, plus facilement de résoudre la tension survenue. Certains évidemment acceptent la réalité, ce qui est plus coûteux. Festinger réalisa cette constatation chez les millérites mais que l’on constate aussi chez les adeptes du mouvement Loubavitch, communauté juive qui n’accepte pas la mort d’un de ses leaders, d’une autre manière chez les Mormons qui « réécrivent » l’histoire du fondement christianisme.
Pour revenir aux fake news, en prolongeant Festinger, elles participent à diminuer les tensions entre les croyances erronées, invérifiables avec les observations objectives. De ce fait, les fakes news pour les croyants qui y sont sensibles, font un lien faux, surprenant, mais efficace pour établir un lien avec la réalité et l’identité religieuse. Avec cette grande efficacité, lutter contre les fake news devient un chantier colossal qui passe certainement par une meilleure formation des clercs et une vision plus ouvertes des relations sociales, vers les autres groupes. Ceci est déjà largement entamé, mais est aussi désormais réinterpréter par des fakes news, complexifiant l'indispensable travail pédagogique.