Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Prier en résidence universitaire

Casablanca priere du vendredi 6.jpgDepuis janvier les médias traitent des difficultés des étudiants musulmans d’occuper une salle du CROUS pour effectuer des prières. A la Résidence Universitaire d’Anthony l’histoire semble être vieille de trente ans. J’ai à plusieurs reprises voulu vous proposer un regard en complément. Un article du Monde daté du 26 juillet dernier revenait sur le sujet. A partir d’une observation participative, ancienne, mais instructive, je vous propose, par comparaison avec les Groupes Bibliques Universitaires de prolonger le débat.

 

prière étudiants$.jpgPremièrement il faut noter que ce qui se passe à Anthony n’est en rien un fait isolé. Dans la majorité des cas le problème ne se pose pas et un consens fragile se construit autour des besoins de pratiques religieuses des locataires étudiants. Interdire les rassemblements de prière c’est oublier la nature même des résidences universitaires et du manque d’édifice pour certaines religions. Plus précisément c’est se réfugier derrière la laïcité pour refuser la complexité des enjeux sociaux. Regardons cela. Les résidences universitaires sont des lieux de passages qui regroupent deux grands types d’étudiants que sont les résidants permanents et les résidants de la semaine. Les premiers ne peuvent rentrer chez eux le week-end ou durant les vacances. Ils vivent loin de chez eux. Finalement « chez-eux » devient la résidence universitaire. Les seconds ont d’autres espaces de vie, où ils peuvent se rendre. Il est évident que la résidence devient pour les résidants permanents un espace privé également. Par conséquent, c’est là qu’ils peuvent exprimer leur pratique religieuse.Pour les pratiques religieuses collectives, les étudiants qui résident en permanence ne peuvent que se replier sur leur lieu de résidence, surtout quand l’espace publique est sous doté en édifices religieux. Tel est le cas des musulmans. Les étudiants musulmans sont à ce titre des doubles victimes. Ils sont éloignés de leurs proches et sont privés d’espaces de recueillement. De plus les choses se complexifient chez les musulmans en raison des guerres intestines que connaît l’Islam en France. Les changements et tendances au sein du CFCM en sont des illustrations.
priere du vendredi.jpgCependant les résidences universitaires n’ont pas fonction à être des lieux de prières. Mais la spécificité des résidants fait des résidences, malgré elles, des lieux d’expression du religieux. Comparons ce qui se réalise en milieux évangélique pour mieux comprendre.

De 2000 à 2005 j’ai pu observer les GBU (Groupes bibliques universitaires) de Lille. Ils furent durant cette période principalement d’impulsion congolaise. Ce que je retiens ce sont les relations particulièrement conviviales, faites de compréhensions entre les GBU et le CROUS. L’obtention des salles, les affichages (modérés), la réalisation d’Agapes, etc. se faisaient sans aucune difficulté. Le CROUS était particulièrement compréhensif vis-à-vis des besoins d’expression religieuse des étudiants évangéliques qui animaient les GBU.
Les GBU n’étaient pas les seules organisations religieuses à occuper, à la Cité Scientifique de Villeneuve d’Ascq dans la banlieue lilloise, la salle de jeux, pour la transformer hebdomadairement en espace de prières. Intéressant de voir, le vendredi, les musulmans occuper la salle et quelques minutes après, de voir cette même salle se transformer en espace protestants évangélique !
Une différence fondamentale se posait toutefois. L’occupation évangélique était un enjeu moins déterminant pour les membres des GBU qui sont des groupes de petites tailles comparativement aux rassemblements musulmans. L’agglomération lilloise étant dotée de manière respectable en églises protestantes, le GBU gardait une consonance exclusivement estudiantine. Sa vie fluctuait en fonction des impératifs du rythme universitaire (vacances, examens, rassemblements festifs…). Les rassemblements musulmans y étaient moins soumis. L’agglomération étant moins dotée en mosquées, nombres d’étudiants n’avaient que l’espace du CROUS pour réaliser un rituel de prière hebdomadaire.
Que retenir ? Il est possible qu’un espace soit de manière temporaire aménagé en lieu de rencontre religieux. Cependant il est nécessaire que ce dernier soit un espace ouvert à toutes les pratiques religieuses. Tel sera le cas tant qu'aucune réponse au manque de Mosquées ne sera pas apportée. Aujourd’hui tant que ce problème ne sera pas traité les CROUS devront gérer des demandes de pratiques religieuses alors que là n’est pas leur fonction.
prière humour.jpgUn dernier point qui est à retenir des GBU. Ces derniers ont pour ambitions de toucher les étudiants au travers de leur discours religieux pour conduire vers les églises protestantes. Les GBU ont donc une approche évangélique qui, de manière idéale, s’insère parfaitement dans une vision ouverte de la laïcité. Le but n’est pas de créer des églises dans les résidences universitaires. Un souci de cohabitation positive avec les autres groupes religieux existe également, marquant la lecture ouverte de la laïcité. De fait, pas étonnant que les dirigeants du CROUS (je parle du Nord) aient une vision positive des rassemblements des GBU. Là sont des pistes pour les groupes estudiantins musulmans. Il faudrait plus militer pour l’obtention de Mosquées que de salles de prières dans les CROUS. Mais là il faudrait que l’Islam de France devienne enfin une structure où les musulmans peuvent se reconnaître. C’est peut-être de ce côté qu’il faille chercher et creuser pour comprendre cette frustration estudiantine musulmane, qui résulte de l’absence de Mosquée.

Commentaires

  • En complément de la note de Fabrice, signalons que le Conseil d’Etat s’est penché en mai 2008 sur la question de l'exercice des cultes dans les résidences universitaires (CE, ord ref., 6 mai 2008, n° 315631, Mouhamed B.).
    Dans cette affaire, la direction du CROUS de Versailles ayant décidé, en janvier 2008, de fermer une salle polyvalente de la résidence universitaire d'Antony, afin d'y effectuer des travaux de sécurité, le président de l'association culturelle musulmane, qui utilisait la salle comme lieu de réunion et de prières, demanda au juge des référés du tribunal administratif d'ordonner que la salle, ou une autre de même superficie, soit mise à la disposition de l'association.
    Le juge des référés du Conseil d'État confirme en appel le rejet de sa demande de première instance.
    Il appartient aux CROUS, pour l'exercice des missions qui leur sont confiées, d'assurer la gestion des bâtiments dont ils ont la charge de manière à procurer aux étudiants des conditions de vie et de travail adaptées aux besoins de leurs études. Il leur incombe, tout particulièrement, de concilier les exigences de l'ordre et de la sécurité dans ces bâtiments avec l'exercice par les étudiants des droits et libertés qui leur sont garantis. En l'absence de disposition législative ou réglementaire spécifique à la pratique des cultes dans les résidences universitaires, le centre doit respecter tant les impératifs d'ordre public, de neutralité du service public et de bonne gestion des locaux que le droit de chaque étudiant à pratiquer, de manière individuelle ou collective et dans le respect de la liberté d'autrui, la religion de son choix.
    En l'espèce, les conditions dans lesquelles la salle polyvalente était utilisée ne permettaient ni d'assurer que seuls des étudiants de cette cité universitaire en avaient régulièrement l'usage, ni de garantir à l'Administration les moyens de veiller à la sécurité. Ainsi, en décidant la fermeture de cette salle pour y réaliser des aménagements nécessaires à sa sécurisation, le CROUS n'a porté, semble t-il, aucune atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales de culte.
    Notons encore que dans cette affaire, le CROUS s’est montré disposé à examiner, avec les représentants de l'association, les conditions dans lesquelles une convention pourrait être conclue pour qu'à des jours et heures déterminés, l'association dispose de locaux lui permettant de réunir, dans le respect des exigences de sécurité, des étudiants habitant dans la résidence universitaire pour qu'ils exercent les activités que l'association a pour objet d'organiser, au nombre desquelles figure la pratique de prières en commun.

    Texte de l’ordonnance du CE, ord ref., 6 mai 2008, n° 315631, Mouhamed B. publié sur http://www.droitdesreligions.net/pdf_ce/ce_06052008.pdf

  • Bonjour,

    Juste quelques petites réflexions.

    Tout d'abord, les musulmans ne sont pas les seuls à manquer de lieux de cultes, il suffit de se pencher sur le problème de la communauté adventiste de la région parisienne qui a été plusieurs reprises victime du droit de préemption de diverses mairies lors de souhaits d'achats de biens immobiliers.

    Pour ce qui est de l'université à proprement parlée et du problème des chambres estudiantines en particulier; le CROUS favorise, et c'est normal, les étudiants boursiers. Malheureusement ceci a pour conséquence un manque de mixité sociale et religieuse dans les établissements que cette organisation a en gestion. D'où les problèmes que vous évoquez.

    Autre réflexion ; j'ai moi-même bénéficié à une époque reculée, d'une chambre universitaire et à cette époque, le nombre d'étudiants musulmans étaient déjà important et pourtant les problèmes religieux n'existaient pas ou du moins peu. Alors pourquoi aujourd'hui tant de remue-ménage ?

  • Bonjour Mr,
    Quand vous avez une Mosquée tous les x milles km et une chambre de 9m2, où prier ? Ce n'est pas la faute du CROUS c'est vrai, mais entre temps on est là, on attend et on a pas le droit de prier ! Nos responsables musulmans s'occupent plus de leur élection et d'intégrer les copinages avec les politiques que de s'occuper des jeunes qui prient.
    Encore une fois, on parle de l'Islam quand quelque chose ne va pas bien. Pourtant comme vous le dites en général il n'y a pas de problème. J'espère comme vous le dite en cours que les gens ne verrons plus l'Islam comme un problème, mais comme une composante respectable de la religion en France. "Rêvons", comme vous dites aussi.

  • Personnellement, je ne suis pas aussi positif en ce qui concerne les liens possibles entre le GBU et le CROUS. Pour moi, il est clair que les groupes religieux sont aujourd'hui contraint d'avoir leurs porpres locaux à proximité des campus pour pouvoir répondre aux besoins de leurs fidèles. C'est tout au moins la vision du Foyer Evangélique Universitaire de Lille pour les étudiants évangéliques de Lille... par obligation...

Les commentaires sont fermés.